Un vent de renouveau souffle sur l'industrie du saké

Photos de saké japonais

   D'après les archives, le brassage du saké existerait au Japon depuis environ 1 400 ans. Au XIXe siècle, le Japon comptait près de 30 000 brasseries de saké. Concurrencées par les nombreux autres types d'alcool désormais disponibles sur le marché, il n'en existerait aujourd'hui plus que 1 600 (en 2018). Le saké haut de gamme connaît pour sa part une popularité croissante à l'étranger.

Les méthodes de production du saké : une tradition qui remonte au Xe siècle

   Selon l'Association japonaise des producteurs de saké et de shochu, le saké était déjà brassé dès le début du VIIe siècle au Japon grâce à une moisissure. À partir du milieu de l'époque Heian (Xe siècle), les brasseurs commencèrent à utiliser une méthode à base de riz fermenté, de moisissure koji et d'eau encore employée aujourd'hui. Lors de l'époque Muromachi (XIVe-XVIe siècles), le saké était stérilisé à la chaleur selon un procédé similaire à celui de la pasteurisation. C'est à cette même époque que la méthode de production du saké à partir de moisissure koji unique au Japon a vu le jour. Cette méthode de brassage traditionnelle, transmise de génération en génération jusqu'à aujourd'hui, a été inscrite au patrimoine culturel immatériel du Japon en décembre 2021.

L'estampe Settsu no kuni Itami shuzo no zu de la série Dainippon Bussan Zue (1877) par l'artiste Utagawa Hiroshige III représente un endroit où était lavé le riz après avoir été poli. (Image reproduite avec l'aimable autorisation des Collections numériques de la Bibliothèque nationale de la Diète du Japon.)

Le brassage du saké d'hier à aujourd'hui : l'émergence des femmes maîtres brasseuses

   Les ouvriers employés dans les brasseries de saké sont appelés kurabito, et la personne chargée de les superviser est appelée tōji, ou maître brasseur. Le travail du tōji consiste à veiller au bon déroulement des étapes de brassage. Il est également chargé de planifier la production avec le propriétaire de la brasserie. Le tōji est responsable de certaines étapes déterminantes du processus de brassage. Il décide notamment de la durée de trempage du riz à saké, et il garde un œil sur la fermentation de la moisissure koji et du moromi (une substance liquide issue de la fermentation qui permet de produire le saké). Il va même jusqu'à jouer un rôle majeur dans le goût du saké recherché par la brasserie.

   Une méthode de brassage hivernal appelée kanzukuri a vu le jour à l'époque Edo (1603–1868). À la demande des propriétaires de brasserie, ou kuramoto, les tōji ont commencé à rassembler des fermiers et des pêcheurs sans travail pendant l'hiver pour qu'ils participent à la production du saké. Ce n'était pas un environnement très accueillant pour les femmes, car les kurabito dormaient et travaillaient dans la brasserie.

   Cependant, il existe aujourd'hui de plus en plus de femmes qui exercent le métier de tōji. Bien qu'il n'y ait encore que peu de femmes dans le monde de la production du saké, certaines jouent désormais un rôle actif dans l'industrie, comme la plus jeune tōji du monde (en 2018) à la tête d'une brasserie en activité depuis l'époque Edo, la propriétaire et tōji d'une brasserie de saké à Hiroshima dont la renommée s'étend dans le monde entier, ou encore une tōji qui a mis au point plusieurs célèbres variétés de saké grâce à ses études universitaires en microbiologie.

Yoshida Mako, qui travaille à la brasserie Yoshida Sake Brewery, est la plus jeune tōji du Japon. (Image reproduite avec l'aimable autorisation de Yoshida Sake Brewery.)

Une nouvelle tendance dans le monde du saké

   Avec les progrès technologiques en matière de brassage et l'évolution du mode de vie des Japonais, la consommation de saké a beaucoup changé au cours des cinquante dernières années. Dans les années 1960 de l'après-guerre, alors que l'on produisait du saké générique en masse, l'émergence de variétés locales avec leurs propres caractéristiques a entraîné un véritable essor du saké régional. Au milieu des années 1980, une variété de saké appelée ginjō-shu, produite avec du riz dont les grains étaient polis à pas moins de 40 % avant le brassage, a commencé à séduire de plus en plus de monde grâce à son arôme riche et à sa saveur fruitée. À la fin des années 1990, c'est au tour du saké pétillant d'être inventé. En 2019, le premier saké certifié vegan a été mis au point et est désormais brassé pour une multitude d'occasions et de consommateurs.

   L'industrie du saké a également commencé à se concentrer sur des goûts plus acides pour s'adapter au marché étranger. Le saké produit à base de riz présente une douceur et une saveur umami prononcées. Cependant, en réponse à une demande de saké à la saveur plus proche de celle du vin pour mieux se marier avec la cuisine étrangère, les brasseurs ont commencé à produire des variétés de saké avec une acidité plus marquée. En outre, à la différence du vin, les ingrédients de base du saké étaient traditionnellement achetés auprès d'agriculteurs. Cependant, depuis ces dernières années, certaines brasseries ont commencé à cultiver leur propre riz à saké pour profiter des caractéristiques conférées par l'environnement local, attirant l'attention de chefs et de sommeliers du monde entier.

De nombreux endroits sont consacrés à la culture du riz à saké. De plus en plus de brasseries commencent à cultiver leur propre riz afin d'exprimer les saveurs uniques de leur brasserie et de leur région à travers le goût de leur saké.
(Image reproduite avec l'aimable autorisation de Banjo Jozo Co., Ltd.)

Le chef français mondialement connu Yannick Alléno s'intéresse de près au saké et a visité la rizière d'une brasserie qui produit son propre riz.
(Image reproduite avec l'aimable autorisation de Banjo Jozo Co., Ltd.)

Du saké produit à partir d'un processus de fermentation secondaire à l'intérieur de la bouteille, semblable à celui du champagne, est également servi dans les restaurants de Tokyo et de Kyoto.
(Image reproduite avec l'aimable autorisation de Yamanashi Meijo Co., Ltd.)

Le shichiken, un saké pétillant produit par une brasserie de la préfecture de Yamanashi, développé en collaboration avec le chef mondialement connu Alain Ducasse. (Image reproduite avec l'aimable autorisation de Yamanashi Meijo Co., Ltd.)

   La tradition ancestrale du brassage du saké au Japon continue d'évoluer et de s'adapter au fil des époques, notamment avec la production de nouvelles variétés pour le marché étranger grâce aux progrès technologiques, ainsi que l'émergence de brasseries qui soignent la qualité de leur riz pour offrir une saveur unique.