Des villes pleines de charmes grâce aux kura, les anciens entrepôts japonais traditionnels

Haut gauche : photo fournie par l’Association touristique de Koedo Kawagoe ; Haut droite : photo fournie par la ville de Kurashiki ; Bas : photo fournie par Kitakata Kura-no-Kai.

Dans les régions où subsistent d'anciennes maisons japonaises, il est encore possible de voir des kura, de somptueux bâtiments japonais traditionnels. Généralement, les kura servaient à entreposer à l’abri les biens, les marchandises et les céréales, telles que le riz. En outre, les bâtiments recouverts d'une épaisse couche de terre, style architectural appelé dozō-zukuri, servaient également de maisons et de magasins. La beauté des bâtiments en fait des lieux très prisés par les photographes en herbe qui publient leurs clichés sur les réseaux sociaux. Cet article présente diverses facettes de plusieurs villes auxquelles les kura contribuent à leur charme indéniable.

Les kura

Les kura étaient autrefois généralement des bâtiments traditionnels qui servaient d’entrepôts pour conserver à l’abri les biens, les marchandises et les céréales. Le dozō-zukuri est notamment connu comme étant un style architectural japonais traditionnel. Les bâtiments sont constitués d'une charpente faite de poteaux et de poutres en bois et d’épaisses façades en terre battue recouvertes d'un enduit de finition. Les murs peints minutieusement par les artisans peuvent avoir près de 30 cm d'épaisseur. Les kura sont recouverts de terre ininflammable, ce qui les rend également résistants au feu. Durant l’époque d’Edo (1603 - 1868), les kura de terre, de style dozō-zukuri, se sont ainsi répandus dans tout le pays, notamment dans la ville d'Edo (ancien nom de Tokyo) qui était fréquemment le théâtre de grands incendies. On trouve également d'autres kura nommés différemment en fonction de leur usage, comme les zashikikura (habitations), les misegura (magasins), ou les jôzôgura (pour la fabrication du saké ou de la sauce soja).

Les kura à l'épreuve du feu de la ville de Kawagoe

Gauche : résidence de la famille Osawa (construite en 1792), classée bien culturel important et trésor national. Il s’agit de la plus ancienne maison de marchand (kurazukuri shôka) d’Edo. Le bâtiment a miraculeusement échappé au grand incendie de 1893.
Droite : sur le toit, une grande tuile ornementale noire appelée onigawara sert de porte-bonheur contre les incendies et termine le bord de la corniche. Elle est entourée d’un kagemori gris plâtré. (Photos fournies par ASBL KAWAGOE KURA NO KAI ©️ aramaki sumikazu)

Gauche : les volets coulissants en gradins scellent l'ouverture et bloque l'air pour empêcher le feu de se propager.
Droite : la barre rectangulaire horizontale de couleur gris clair, située sous la fenêtre, derrière le panneau est un menuridai. Cette barre sert d'échafaudage pour que les artisans puissent monter pour fermer les volets et colmater les petits interstices avec de la terre en cas d’incendie. (Photos fournies par ASBL KAWAGOE KURA NO KAI ©️ aramaki sumikazu)

Des villes charmantes avec leurs kura

Aujourd’hui encore, on trouve dans tout le Japon des villes chargées d'histoire dans lesquelles subsistent de charmants kura. Une grande partie de ces bâtiments existent encore grâce aux actions des habitants pour la préservation du paysage urbain, un mouvement mis en place à travers tout le pays dans les années 1970, lorsque les modes de vie ont grandement évolué et que les vieux bâtiments étaient remplacés par des constructions modernes. Ainsi, des villes avec de magnifiques kurazukuri, restaurés et conservés avec soin, sont devenues populaires sur les réseaux sociaux et sont très appréciées des visiteurs étrangers.

Présentation des trois villes emblématiques du Japon pour leurs kura

La ville de Kawagoe, dans la préfecture de Saitama, à proximité de Tokyo, est surnommée « la petite Edo » (koedo). De nombreux kura bordaient autrefois les rues et la ville conserve aujourd’hui encore l'atmosphère d'Edo, l'ancienne capitale, grâce aux bâtiments traditionnels de style kurazukuri qui subsistent. On y trouve de nombreux misegura qui servaient de magasins à l’époque où le commerce avec Edo prospérait. Ces somptueux kura se caractérisent par des murs enduits de plâtre blanc et complétés avec du plâtre noir.

Gauche : un quartier préservé pour ses ensembles de bâtiments traditionnels importants. Les rues sont bordées de maisons de marchands de style kurazukuri qui rappellent les rues de Tokyo avant le grand tremblement de terre du Kanto de 1923.
Droite : le musée Kurazukuri Shiryôkan de Kawagoe est installé dans un misegura construit en 1893. (Photos fournies par ASBL KAWAGOE KURA NO KAI ©️aramaki sumikazu)

Les bâtiments de style kurazukuri de Kawagoe sont une attraction touristique très populaire. Les visiteurs peuvent profiter de l'atmosphère d'Edo en pousse-pousse (jinrikisha), tout en étant vêtus d'un kimono. On peut également y visiter une fabrique (jôzôgura) de sauce soja et goûter au thé japonais et aux patates douces qui font la réputation de la région. L’élaboration de divers produits locaux y est également active. On trouve notamment une bière artisanale rare à base de patates douces qui connaît un grand succès.

Promenade en pousse-pousse près de la Cloche du temps (Toki no kane), le symbole de Kawagoe. (Photos fournies par l'Association touristique de Koedo Kawagoe)

Gauche : visite d'une fabrique de sauce soja (shôyugura).
Droite : à l’intérieur de la fabrique, la sauce soja (shôyugura) est mélangée dans de grandes cuves. Les cuves sont remplies de moromi, la matière première fermentée obtenue pendant le processus de production de la sauce soja. (Photos fournies par l’Association touristique de Koedo Kawagoe)

Un entrepôt misegura pour découvrir la culture traditionnelle japonaise du thé matcha. (Photos fournies par l’Association touristique de Koedo Kawagoe)

Un entrepôt misegura rénové en un somptueux café proposant du thé japonais et des pâtisseries au matcha.

Dans la ville de Kurashiki, située dans la préfecture d'Okayama sur l’île de Honshu, face à la mer intérieure de Seto, le quartier historique Kurashiki Bikan, qui ressemble à un décor de film avec ses magnifiques kura, est très prisé des touristes. Il y a 400 ans, le bourg de Kurashiki était un port. Lorsque les fondations de l'industrie du textile ont été posées à l'époque d’Edo, des machiya (maisons typiques en bois) aux murs blancs et des entrepôts de type dozōzukuri ont été construits principalement le long de la rivière Kurashiki qui servait au transport des marchandises, dont notamment le coton en provenance de Bitchū (ancienne province située à l'ouest de la préfecture d'Okayama). La promenade en bateau au fil de l’eau sur la rivière Kurashiki est très appréciée pour les magnifiques vues qu’elle offre sur la ville et ses entrepôts.

Quartier préservé pour ses ensembles de bâtiments traditionnels importants. Ce quartier de Kurashiki offre un magnifique paysage urbain, où les kura à l’architecture typiquement japonaise, construits entre 1600 et 1800, cohabitent avec les bâtiments modernes à l'architecture occidentale datant de la fin des années 1800. (Photos fournies par la ville de Kurashiki)

Kurashiki se caractérise par ses kura aux façades appelées namako-kabe (murs concombres de mer) qui restent encore très bien conservés. Les finitions murales extérieures sont constituées de carreaux carrés, dont les joints sont remplis de plâtre. Les façades namako-kabe, avec leur contraste éclatant entre le blanc et leur couleur terre, sont très populaires sur les réseaux sociaux. Les cafés et les auberges installés dans des kura et des machiya rénovés fleurissent les uns après les autres. Les établissements invitent les visiteurs à se délecter de parfaits aux fruits d’Okayama ou à prendre un thé. Des boutiques typiques de Kurashiki, berceau de la fabrication nationale de jeans, invitent également à flâner dans les rues de la ville aux mille kura.

Magnifique paysage avec des façades namako-kabe. Ces façades atypiques sont devenues très populaires sur les réseaux sociaux. (Photos fournies par la ville de Kurashiki)

Le musée d'artisanat folklorique de Kurashiki, un entrepôt de riz rénové construit entre 1750 et 1850, est le deuxième musée d'art folklorique du Japon. (Photos fournies par la ville de Kurashiki)

Thé et pâtisseries très appréciés des jeunes femmes qui aiment poster leurs clichés sur les réseaux sociaux et devanture d’un magasin de jeans populaire auprès des personnes générations. (Photos fournies par la ville de Kurashiki)

La ville de Kitakata, située dans une région enneigée et entourée de montagnes dans la préfecture de Fukushima au nord-est du Japon, jouit depuis longtemps d’une industrie brassicole florissante, grâce notamment à la culture du riz et la production de saké à partir d'une eau de qualité provenant de la fonte des neiges. De nombreux entrepôts kura y ont été construits pour le stockage et la conservation des produits. On y trouve ainsi près de 4 000 kura qui font aujourd’hui encore partie de la vie quotidienne des gens et qui s'intègrent parfaitement dans le paysage urbain et rural.

Gauche : paysage rural et entrepôts rustiques.
Droite : les kura de Kitakata restent chaleureux, même lorsqu’il neige. (Photos fournies par l'Association des produits touristiques de Kitakata)

La ville se caractérise aussi par un grand nombre de zashikikura dans lesquelles vivent les habitants. Ces habitations, dont l'ameublement luxueux contraste avec leur extérieur rustique, sont bien adaptées à la vie dans une région où il neige régulièrement et sont le reflet de la fierté des marchands qui ont autrefois fait fortune. Le quartier d'Otazuki, devenu en 2018 un quartier préservé pour ses ensembles de bâtiments traditionnels importants, a conservé le long de ses rues des entrepôts de style kurazukuri. En outre, la ville présente également un magnifique paysage avec plus de 100 bâtiments de style kurazukuri, dont notamment des rengagura (entrepôts en briques) bâtis selon les méthodes et les techniques traditionnelles de construction des entrepôts de Kitakata tout en y incorporant une touche occidentale.

Gauche : une rue d'entrepôts de style kurazukuri dans le quartier d'Otazuki.
Droite : la grande salle de l'ancien entrepôt de la famille Kai, vieux de 100 ans. (Photos fournies par l'Association des produits touristiques de Kitakata)

Un rengagura à Kitakata, avec un superbe extérieur en briques dont la surface a été vernissée. L'intérieur de la structure présente un pan de bois typique de Kitakata. Le toit est fait de tuiles japonaises, avec un mélange de style japonais et occidental. (Photos fournies par l'Association des produits touristiques de Kitakata)

Les ramen de Kitakata et les Yamato soba sont des spécialités locales populaires, notamment rendues célèbres par les touristes venus visiter les kura de Kitakata durant le boom que ces derniers ont connu dans les années 1980. Par ailleurs, en 2023, une boutique de senbei (biscuits de riz), établie de longue date, a attiré l’attention en ouvrant une auberge dans un kura vieux de 120 ans pour familiariser davantage les gens avec les kura.

Ramen de Kitakata, composé d'un bouillon de sauce soja et d’épaisses nouilles ondulées, et le sanctuaire-restaurant des ramen. (Photos fournies par l'Association des produits touristiques de Kitakata)

Spécialité locale de nouilles de sarrasin et restaurant d’époque. (Photos fournies pas l'Association des produits touristiques de Kitakata)

La première auberge kurayado de la ville. (Photos fournies par KuranoyadoMARUTOKO)

Lors de votre séjour au Japon, que diriez-vous de visiter des kura dans les villes où ces entrepôts traditionnels ont été préservés tout en leur apportant un nouveau charme ?