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NIPPONIA No.24 15 mars 2003
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Reportage spécial*
Forêts au cœur de la cité
Un bois naturel lancé de main d’homme
Tokyo, capitale du Japon, est une ville gigantesque. Si les gratte-ciel ne se comptent plus à mesure qu’on approche du centre de la métropole, on y trouve tout de même aussi un bois relativement étendu. Quels types d’essences y trouve-t-on, et pourquoi? Lisez donc cet article sur le bois du Sanctuaire de Meiji, ainsi que sur la planification minutieuse qui permit de transplanter les arbres et de conserver ce terrain boisé urbain.
Texte : Torikai Shin-ichi
Photos : Kono Toshihiko
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La vaste frondaison des arbres du bois du Sanctuaire de Meiji dissimule partiellement le monumental portail torii.
On y voit voleter gracieusement la mésange charbonnière, le martin-pêcheur ou la bergeronnette grise.
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Près du cœur de Tokyo s’étend un bois dense et profond. Les arbres croissent et prospèrent dans l’enceinte du Sanctuaire de Meiji, et aussitôt que l’on s’avance sous leurs frondaisons l’on se sent transporté dans un univers de silence et de paix profonds. Oublié le tohu-bohu de la grande ville.
Ces arbres furent plantés ici il a environ quatre-vingts ans, il s’agit donc bien d’un bois artificiel, mais qui offre cependant tous les aspects d’un bois naturel fort ancien. C’est ainsi que le voulut son créateur, Honda Seiroku, l’homme chargé du boisement de cet espace, et c’est ce qui lui vaut d’ailleurs d’être passé à la postérité avec l’auréole du “père du boisement au Japon.”
Après la disparition de l’Empereur Meiji (1852-1912), l’on décida d’élever un sanctuaire à sa mémoire. Le terrain qui fut choisi, quelques 72 hectares, faisait partie des Domaines de la Maison Impériale. Il consistait principalement en champs et terrains incultes, la plus grosse difficulté à laquelle furent confrontés les concepteurs fut de trouver la meilleure méthode pour y aménager un bois.
Au cours des siècles, les Japonais ont toujours considéré la nature avec une crainte révérencieuse. Pour eux, la forêt était source d’infinies richesses indispensables pour la survie, tout en étant également un lieu sombre, profond et effrayant peuplé de dieux et d’esprits. Ceci explique pourquoi pratiquement tous les sanctuaires — enceinte sacrée où se trouve vénérée une divinité présidant à des phénomènes naturels — sont entourés d’arbres.
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Vue aérienne du bois entourant le Sanctuaire de Meiji. Une autre “forêt” de hauts bâtiments se dresse dans l’arrondissement de Shinjuku, à deux kilomètres à peine du centre de ce bois touffu.
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Dans cette optique, le Sanctuaire de Meiji demandait non seulement des bâtiments, mais également un bois bien fourni pour l’abriter. Honda eut ainsi l’idée d’aménager le terrain autour des bâtiments en sorte que, avant un siècle, les espaces vides se seraient mués en bois. Son plan de base comprenait deux stades.
Un premier stade prévoyait de planter des arbres qui viendraient bien dans l’environnement naturel de Tokyo. Comme type d’arbres primaires, Honda choisit des feuillus persistants comme le shii (chinquapin), kashi (Chêne vert), et kusu (camphrier). Il prit le parti de parsemer le tout d’essences feuillues caduques comme les keyaki (Orme zelkova du Japon) et kunugi (une autre variété de chêne). Des habitants sollicités dans différentes régions du Japon recueillirent des arbres à feuilles caduques dans la nature et en firent don. L’on recueillit ainsi 365 variétés, soit 100.000 arbres que plantèrent 110.000 jeunes volontaires accourus des quatre coins du Japon.
Le deuxième stade fut celui de la régénération naturelle. L’idée ici était de laisser entièrement la nature suivre son cours une fois le boisement effectué. En d’autres termes, l’on laissa les arbres pousser et se multiplier sans nulle intervention de l’homme. La plantation était entièrement terminée en 1920, six ans donc après la décision d’élever un sanctuaire. Et l’on s’en est toujours tenu depuis au plan primitif de régénération naturelle.
“Tout ce que nous faisons c’est de surveiller la croissance naturelle des arbres, et de les aider à demeurer dans cet état naturel, nous assure Okizawa Koji, l’horticulteur chargé de l’administration du bois sacré du Sanctuaire de Meiji. Si un arbre s’abat, on le laisse pourrir sur place pour retourner à la terre. De même, toutes les feuilles mortes jonchant les chemins sont rassemblées et étalées sur le sol du sous-bois. Nous n’enlevons rien à la forêt, pas plus que nous n’y apportons quoi que ce soit. Tout est entièrement laissé à la nature, ainsi se définit la philosophie régissant ce terrain boisé.”
La loi de la survie des plus aptes a ramené le nombre d’essences à 247. Mais aujourd’hui cependant plus de 170.000 arbres poussent dans cet espace, la plus vaste zone boisée des vingt-trois arrondissements de la ville de Tokyo. NIPONIA
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