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NIPPONIA No.22 15 septembre 2002
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Reportage spécial*

Les rôles féminins joués par des femmes? Plutôt étrange, en Kabuki
La première chose qui me frappa lorsque j’assistai à leurs répétitions ce fut la présence d’actrices. Il est de notoriété publique que les grandes troupes de Kabuki mettent des acteurs dans les rôles féminins. Mais dans ce Kabuki, appelons-le “rural”, il semble qu’il n’y ait rien d’insolite à ce que des femmes tiennent des rôles de femme.
À ce titre, Madame Tachibana Misaki a bien voulu nous expliquer comment elle est devenue actrice : “J’ai fait mon lycée loin de Hinoemata, et je suis évidemment revenue au pays lorsque j’eus terminé. Ce fut alors que je me dis que je devrais exercer une activité communautaire dans le cadre de mon village. Et pourquoi pas actrice, me dis-je? Et jamais depuis je n’eus à regretter ma décision. Je suis folle de joie à l’idée de me grimer, nous enfilons des kimonos invraisemblables mais aux couleurs somptueuses, en tout cas qu’on n’aurait jamais l’occasion de porter, car qui oserait jamais se promener ainsi attifée.”
La troupe compte trente-deux membres, dont sept ont vingt ans à peine. Si le partenariat a chuté ces dernières années, le nombre de jeunes est en train d’augmenter. Beaucoup de jeunes quittent le village pour les grandes villes, mais beaucoup reviennent. Moins nombreux sont ceux réintégrant les villages avoisinants. C’est que Hinoemata a la grande chance d’avoir de meilleures routes y menant, et surtout a des sources thermales, ce qui permet aux jeunes de se caser dans le tourisme, soit directement au village, soit dans le canton.
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À gauche : Les aînés de la troupe dirigent les jeunes acteurs, corrigeant leur gestuelle, diction, attitudes, etc.
En haut : Hoshi Hayato, chef de file des jeunes acteurs, est employé à la mairie du village.
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Qui donc se chargera de maintenir la barque à flot en coulisse?
“Comme attraction touristique, le hinoemata-Kabuki est un atout formidable pour le village. Les marais de Oze présentent des paysages d’une très grande beauté, tandis que notre Kabuki propose une immersion dans la culture. Mais que nous cessions de les jouer, ne fût-ce qu’une courte période, il mourrait irrémédiablement. Nous devons donc conserver le vent en poupe et transmettre nos traditions à la génération suivante”, insiste Hoshi Hayato, le chef de file des jeunes membres.
Masanori, le chef du groupe, peint l’avenir en teintes plus sombres. “C’est vrai que nous avons quelques jeunes acteurs débordant d’enthousiasme, et de talents, mais nous avons de plus en plus de peine à trouver des volontaires pour remplacer les accessoiristes lorsqu’ils cessent leur activité, pour raison de grand âge, principalement. Surtout nos perruquiers et nos costumiers, sans lesquels une représentation de Kabuki est inconcevable. Tel est en ce moment notre souci le plus grave.”
Lorsque Masanori intégra la troupe, il y a maintenant quarante ans, elle alignait trente pièces. Ce beau répertoire est actuellement ramené à onze pièces, principalement à cause de carence de récitants tayû avec leurs exécutants au shamisen, l’un n’allant pas sans l’autre. Aujourd’hui, trois fois hélas! le récitatif et la musique sont assurés par des enregistrements sur cassettes.
Dur, très dur, de faire se perpétuer intact un art de la scène pour le transmettre intact aux générations futures, bien que tout le monde s’accorde parfaitement à affirmer que la troupe se doit de maintenir à flots, coûte que coûte, au moins ces onze pièces figurant encore au répertoire. NIPONIA
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En haut : Toute représentation commence par la demi-heure de concentration intense apportée par l’acteur à son maquillage.
À droite : Lorsque l’action atteint son apogée, les acteurs se figent, fragments d’éternité, en une pose statuaire appelée mie. Ces mie sont les temps forts de toute représentation.
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Kabuki rural
Il existe au Japon des gens, des ruraux, qui montent et jouent un Kabuki à eux, sur l’imitation des illustres troupes professionnelles qui se constituèrent dans le Japon à l’aube du XVIIe siècle. Ces pièces se jouent d’abord comme spectacle pur, mais également dans le cadre des festivals locaux, nombreux à la belle saison. Ce Kabuki rural a évolué dans différentes directions, suivant la région qui le nourrissait. Jadis nombreuses, les troupes encore actives doivent se compter aujourd’hui sur les doigts de la main.
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