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NIPPONIA No.22 15 septembre 2002
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Tendances du jour
Une série de manga déclenche une épidémie de go parmi les enfants
Texte : Matsuoka Hitoshi
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Les gosses se sont abattus comme des moineaux dans les classes de go. C’est un temps de grande prospérité pour les professeurs et le organisateurs de go. (Crédit photographique : The Nihon Ki-In)
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En fait d’antiques jeux de société qui poussent les pions sur une planche avec des cases, l’Occident possède les échecs, l’Orient le go. Au Japon, le go a longtemps été considéré comme un jeu de vieux, ce qui le faisait souvent ignorer par bien du monde, surtout les jeunes. Mais voilà que tout changea il y a quelques années, et le go jouit désormais d’un engouement sans précédent, confinant au culte, parmi les élèves d’école primaire et les collégiens.
Voyez donc ces centres d’enseignement de go aux enfants submergés d’inscriptions dépassant de loin leurs capacités d’accueil. C’est la rupture permanente des stocks de jeux de go pour débutants dans les magasins de jouets et autres détaillants. Les logiciels de go virtuel se vendent également comme des petits pains. Bref, un bon million d’enfants se sont récemment mis au go.
“Jamais encore nous n’avions vu une pareille explosion d’intérêt pour ce jeu!” s’exclame Kobayashi Tadashi de Nihon Ki-In (Association Japonaise de Go).
Ce fut en fait un manga intitulé Hikaru no Go qui mit le feu aux poudres. Le héros de la série, écolier lui-même, entreprend tout ce qui est en son pouvoir pour devenir joueur de go professionnel. La collection démarra dans un hebdomadaire de mangas pour enfants en décembre 1999, et depuis cette veine s’est développée jusqu’à produire seize volumes. Plus de quinze millions d’exemplaires vendus! Également à la télévision, des programmes de dessins animés diffusés depuis octobre 2001 font un tabac à l’audimat : 10% de la moyenne des téléspectateurs! Le petit héros a rapidement galvanisé l’enthousiasme des gosses qui se sont dit “Le go c’est super-cool!”
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Une page du manga, Hikaru no Go.
©H.O. et S.T.D.P.
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La planche de go présente dix-neuf lignes verticales et autant d’horizontales. Les deux joueurs placent à tour de rôle leurs pions, des “pierres” comme on dit en japonais, noires pour l’un, blanches pour l’autre, aux points d’intersections desdites lignes. Le but du jeu est d’étendre le contrôle de ses pierres sur l’espace de la planche en capturant par encerclement celles de l’adversaire. Le vainqueur est celui qui, a la fin du jeu, c’est-à-dire lorsqu’il ne reste plus de pierres à placer, s’est assuré le plus de “territoire”.
Inventé en Chine il y a trente siècles, le go n’est certes pas nouveau. Il aborda au Japon beaucoup plus tard, mais ce fut surtout au début du XVIe siècle qu’il gagna en popularité sous l’impulsion du Shogunat des Tokugawa. La version actuelle du jeu est le résultat des efforts déployés par les cercles de go au Japon. Cette version perfectionnée a conquis plus de cinquante pays, dont une augmentation spectaculaire en Chine et en République de Corée. Curieusement, il se fait donc qu’un jeu introduit il y a bien longtemps du Continent asiatique refasse, redynamisé, le voyage en sens inverse.
La population japonaise de joueurs de go connut une apogée au début des années 1970 avec douze millions de pratiquants. Ensuite ce fut le déclin, un petit peu chaque année, et ce pour deux grandes raisons : (1) malgré la belle simplicité de ses règles, beaucoup plus simples que celles du shôgi, version japonaise des échecs, la stratégie du go est difficile à maîtriser ; (2) les parties ont la fâcheuse tendance à s’éterniser avant que ne se dessine le vainqueur. Tout ceci faisait que, en 1998, la population de joueurs de go était tombée en dessous des quatre millions. Heureusement, à partir de 1999, la série de manga est venue à point nommé redorer puissamment le blason du go. Mais même ainsi, les grands professionnels de République de Corée et de Chine semblent avoir eu constamment le dessus dans les dernières rencontres internationales.
“Nous ne voulons pas voir retomber la pression de cet actuel engouement pour le go, explique Kobayashi. Nous voudrions que toujours davantage de jeunes réalisent combien ce jeu développe merveilleusement l’esprit de persévérance et la faculté intellectuelle de se projeter loin dans l’avenir pour planifier une action. Former des stratèges, en somme. Ce ne sera qu’à ces conditions que l’on peut espérer voir la suprématie regagner le Japon, qui est après tout le pays où se conçut le go moderne. Ce serait merveilleux si un seul, ou même plusieurs de nos jeunes acquéraient suffisamment de maîtrise pour prendre rang parmi les grands professionnels de classe mondiale.”
Dans une décennie ou deux, il pourra vérifier si ce rêve se réalise.
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