Les bâtisseurs de châteaux choisissaient évidemment pour dresser leur tenshukaku (tour principale ou donjon) lemplacement le plus élevé dans le périmètre de la place forte. Ce donjon dominait lensemble du château de toute sa hauteur pour offrir le point de guet idéal pour observer les mouvements de lennemi dans la région. Cest tout naturellement donc que le tenshukaku en vint à symboliser la mainmise seigneuriale absolue de son occupant sur ses terres et ses sujets.
Appelée honmaru (enceinte principale), la zone entourant le donjon constituait la partie vitale du château. Les autres enceintes, ninomaru et sannomaru (deuxième et troisième enceintes), sont souvent disposées en spirale autour de lenceinte principale. Au Château de Himeji, par exemple, lenceinte principale était le haut lieu de la décision politique. Le seigneur des lieux tiendra résidence avec toute sa famille, sa parenté et son clan dans le ninomaru, sannomaru et nishinomaru (deuxième, troisième enceintes et enceinte de louest) dont la disposition na jamais été modifiée depuis.
La fonction primordiale du château est de repousser une attaque de lennemi. Le Château de Himeji était donc entouré dun réseau complexe de fossés ou de douves. Les murailles des fondations en gros blocs de pierre et les remparts assuraient une défense supplémentaire, certains se dressant même entre les passages et les clôtures denceinte, rendant la pénétration de lennemi extrêmement périlleuse, voire impossible.
Une particularité intéressante des remparts de pierre, déjà fort raides, est que leur pente se termine vers le haut par un redoutable surplomb. Cette courbure extérieure, appelée ogi-no-kobai (rampe en éventail), qui en rend lescalade plus difficile encore, campe la silhouette si originale et gracieuse qui a fait la renommée des châteaux japonais.
Nombreux étaient les châteaux dont les fossés étaient remplis deau — des douves, donc —, tirée, si la topographie le permettait, dun cours deau voisin. Si un envahisseur parvenait finalement à franchir lobstacle du fossé, il lui fallait alors forcer dabord le portail principal (ote-mon) puis prendre en enfilade dautres portes encore. À partir de là, des difficultés plus épouvantables encore lattendaient avant de faire irruption dans lenceinte principale, comme se frayer un chemin dans un parcours labyrinthique composé de blocs de bâtiments, portes multiples et passages aux embranchements fantaisistes dont certains se terminaient en cul-de-sac. Il fallait en effet zigzaguer en séloignant du donjon si lon voulait sen rapprocher, ce qui, dans le feu de laction, donnait toujours à lassaillant lirritante impression de se déplacer dans la mauvaise direction dautant plus quil se rapprochait enfin du but.
Durant tout ce périlleux travail dapproche, lenvahisseur se trouvait exposé au feu nourri des arquebusades dispensé par les nombreuses meurtrières (sama) pratiquées dans les parois du château, et qui étaient de deux types : ya-zama, hauts et étroits rectangles permettant de décocher des traits en tout genre, et teppo-zama, ronds ou carrés pour le tir au mousquet ou à larquebuse. Quant au donjon et aux tours de guet, leur approche était défendue par de généreux jets de pierres, et autres projectiles désagréables, déversés sur lassaillant par les mâchicoulis aux goulottes longues et étroites (ishi-otoshi) pratiqués à la base de la muraille.
Ce type de château fut mis au point au début du XVIIe siècle, dans la période où le Japon entrait dans une ère de paix qui allait durer 270 ans. Ce fut naturellement donc que, les guerres finissant, les châteaux acquirent une signification autre que celle de pure défense et de maintien du pouvoir. La grande beauté de leurs structures symbolisa lesprit du samouraï déployant les ailes de son prestige pour en faire bénéficier toute la région blottie à ses pieds.
Le château de Himeji, le plus grand à avoir survécu dans son intégralité, passe pour le plus beau du Japon. Le plâtre blanc qui enduit ses murailles extérieures, également utilisé pour stabiliser les énormes tuiles de ses toitures, confère à cette structure une folle élégance qui a valu à cet énorme château lappellation du Castel du Héron Blanc. Trésor National au Japon, il fut inscrit en 1993 au rang de Patrimoine Culturel Mondial de lUNESCO.
