La topographie constitue un élément
déterminant pour limplantation du château japonais,
distinguant trois types : le yama-jiro,
édifié au sommet dune montagne où lescarpement
concourait naturellement à sa défense, le hira-jiro,
construit dans la plaine, et le hirayama-jiro,
sélevant sur une éminence dominant une plaine.
Ainsi en va-t-il du Château de Himeji dans le Japon de lOuest,
puisquil fut construit sur une colline, appelée Hime-yama,
entourée par une vaste plaine.
Les bâtisseurs de châteaux choisissaient évidemment
pour dresser leur tenshukaku (tour principale ou donjon) lemplacement
le plus élevé dans le périmètre de la
place forte. Ce donjon dominait lensemble du château
de toute sa hauteur pour offrir le point de guet idéal pour
observer les mouvements de lennemi dans la région.
Cest tout naturellement donc que le tenshukaku en vint à
symboliser la mainmise seigneuriale absolue de son occupant sur
ses terres et ses sujets.
Appelée honmaru (enceinte principale), la zone entourant
le donjon constituait la partie vitale du château. Les autres
enceintes, ninomaru et sannomaru (deuxième et troisième
enceintes), sont souvent disposées en spirale autour de lenceinte
principale. Au Château de Himeji, par exemple, lenceinte
principale était le haut lieu de la décision politique.
Le seigneur des lieux tiendra résidence avec toute sa famille,
sa parenté et son clan dans le ninomaru, sannomaru et nishinomaru
(deuxième, troisième enceintes et enceinte de louest)
dont la disposition na jamais été modifiée
depuis.
La fonction primordiale du château est de repousser une attaque
de lennemi. Le Château de Himeji était donc entouré
dun réseau complexe de fossés ou de douves.
Les murailles des fondations en gros blocs de pierre et les remparts
assuraient une défense supplémentaire, certains se
dressant même entre les passages et les clôtures denceinte,
rendant la pénétration de lennemi extrêmement
périlleuse, voire impossible.
Une particularité intéressante des remparts de pierre,
déjà fort raides, est que leur pente se termine vers
le haut par un redoutable surplomb. Cette courbure extérieure,
appelée ogi-no-kobai (rampe en éventail), qui en rend
lescalade plus difficile encore, campe la silhouette si originale
et gracieuse qui a fait la renommée des châteaux japonais.
Nombreux étaient les châteaux dont les fossés
étaient remplis deau — des douves, donc —, tirée,
si la topographie le permettait, dun cours deau voisin.
Si un envahisseur parvenait finalement à franchir lobstacle
du fossé, il lui fallait alors forcer dabord le portail
principal (ote-mon) puis prendre en enfilade dautres portes
encore. À partir de là, des difficultés plus
épouvantables encore lattendaient avant de faire irruption
dans lenceinte principale, comme se frayer un chemin dans
un parcours labyrinthique composé de blocs de bâtiments,
portes multiples et passages aux embranchements fantaisistes dont
certains se terminaient en cul-de-sac. Il fallait en effet zigzaguer
en séloignant du donjon si lon voulait sen
rapprocher, ce qui, dans le feu de laction, donnait toujours
à lassaillant lirritante impression de se déplacer
dans la mauvaise direction dautant plus quil se rapprochait
enfin du but.
Durant tout ce périlleux travail dapproche, lenvahisseur
se trouvait exposé au feu nourri des arquebusades dispensé
par les nombreuses meurtrières (sama)
pratiquées dans les parois du château, et qui étaient
de deux types : ya-zama, hauts et étroits rectangles permettant
de décocher des traits en tout genre, et teppo-zama, ronds
ou carrés pour le tir au mousquet ou à larquebuse.
Quant au donjon et aux tours de guet, leur approche était
défendue par de généreux jets de pierres, et
autres projectiles désagréables, déversés
sur lassaillant par les mâchicoulis aux goulottes longues
et étroites (ishi-otoshi) pratiqués
à la base de la muraille.
Ce type de château fut mis au point au début du XVIIe
siècle, dans la période où le Japon entrait
dans une ère de paix qui allait durer 270 ans. Ce fut naturellement
donc que, les guerres finissant, les châteaux acquirent une
signification autre que celle de pure défense et de maintien
du pouvoir. La grande beauté de leurs structures symbolisa
lesprit du samouraï déployant les ailes de son
prestige pour en faire bénéficier toute la région
blottie à ses pieds.
Le château de Himeji, le plus grand à avoir survécu
dans son intégralité, passe pour le plus beau du Japon.
Le plâtre blanc qui enduit ses murailles extérieures,
également utilisé pour stabiliser les énormes
tuiles de ses toitures, confère à cette structure
une folle élégance qui a valu à cet énorme
château lappellation du Castel du Héron Blanc.
Trésor National au Japon, il fut inscrit en 1993 au rang
de Patrimoine Culturel Mondial de lUNESCO.