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NIPPONIA No.17 15 juin, 2001

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Tendances du jour

Les boutiques à 100 Yen ravagent le Japon

Texte : Matsuoka Satoshi   Photos : Yamada Sanzo

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La plupart des “boutiques à 100 yens” ne présentent qu’un seul niveau. Seule la succursale Daiso Giga Funabashi fait exception en offrant quelque 5.600m2 de surface de ventes sur sept niveaux avec sous-sol. Cette giga-surface s’est ouverte fin mars 2001.
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Ces dernières années ont vu péricliter le petit commerce de détail frappé de plein fouet par la dégringolade des prix. La trop longue récession a conduit à la déflation, avec une foule de produits frappés de réductions de 20, 30%, et davantage encore. Les prix sont en fait tombés si bas que la notion de “prix fixe” ne signifie plus grand-chose actuellement.
Témoins, les boutiques à 100 yens qui s’inscrivent dans cette tendance. “Boutiques à 100 yens” par-ci, “boutiques à 100 yens” par là! Ménagères avisées, jeunes dans le vent, et autres catégories sociales emboîtant le pas, n’ont plus que ce mot à la bouche, déjà mué en réflexe de consommateur.
C’est la société Daiso Industries, c’est-à-dire les “Entreprises des Grandes Créations”, car cela mérite traduction, qui mit très habilement le feu aux poudres. La voilà propulsée au rang, annoncé par sa raison sociale, des grosses sociétés comptant un chapelet de deux mille boutiques dans tout le pays, toutes à l’enseigne de la “Boutique à 100 yens Daiso”. Ses 23,3 milliards de yens de chiffre d’affaires de 1995 ont explosé à 200 milliards en 2000. Cela ne représente pas moins de 850% d’augmentation en six ans seulement! Et Daiso continue d’ouvrir de nouvelles boutiques au rythme infernal de quarante par mois. Les ventes s’envolent et la cadence d’apparition des nouvelles boutiques est, semble-t-il, la plus élevée du Japon. Il suffit d’entendre “Daiso”pour penser “boutiques à 100 yens” et vice-versa.
Cette pratique de vendre tout article en magasin à cent yens est apparue pour la première fois il y a trente ans. Mais ce n’est que tout récemment que l’idée a cristallisé des réflexes d’achat positifs chez le consommateur, probablement en raison de la grande qualité des articles à 100 yen, nonobstant leur prix “ridiculement” bas.
Autrefois, les détaillants voyaient les choses sous l’angle suivant : au restaurant, un café pas cher se situant à hauteur de 180 yens, si le tenancier entend le mettre à 100 yens pour attirer le client sans renoncer à gagner tout de même quelque chose, il lui faudra forcément utiliser une marque de grains moins chère qui ne lui coûte que 70 yens.
Mais chez Daiso on ne raisonne pas comme cela : on peut très bien vendre 100 yens quelque chose qui en vaut davantage. La stratégie, féroce s’il en est, est de travailler le prix de gros en raison inversement proportionnelle des quantités commandées. Par exemple, si un détaillant peut acheter à un grossiste un millier d’articles qui lui font mille yens la pièce, le truc est de lui en commander par centaines de milliers pour lui faire rendre gorge et baisser ses prix. Car s’il s’y refuse un autre le fera et ses produits disparaîtront des gondoles. Suivant cette logique jusqu’au bout, on n’aura plus qu’à continuer d’augmenter les commandes jusqu’à ce que le grossiste baisse le prix de revient en deçà de la barre des 100 yens. Et ça marche, même si l’article revenait normalement à 500, voire 1.000 yens ailleurs.
Ce concept, disons plutôt, cette pratique, s’est étendue à toute l’industrie du détail, avec comme résultat final une nette amélioration de la qualité du produit en regard du prix.
Outre la qualité, les “boutiques à 100 yens” offrent un autre avantage : elles proposent un large éventail de produits. Et c’est cela aussi sans doute qui explique leur grande popularité. Si la surface de vente de la boutique est suffisamment grande, celle-ci pourra proposer des centaines de milliers d’articles, tous les articles de la vie courante y compris, poussant le raisonnement un peu plus loin, pourquoi pas des objets d’artisanat, des dictionnaires ou des CD? C’est la caverne d’Ali Baba, car on y trouve une douzaine de paires de ciseaux différentes, des types de classeurs par centaines, un bon millier de variétés de cosmétiques et produits de beauté. Bref, le choix est tel que l’on voit souvent le client hésiter longuement avant de faire son choix. Et le plus extraordinaire c’est que les “nouveautés et coups de cœur” ne cessent d’affluer quotidiennement pour matraquer plus efficacement l’attention des acheteurs au cas où elle commencerait à s’émousser, entendez, au cas où il commencerait à réfléchir.
Le président de Daiso, Yano Hirotake, expose sobrement sa philosophie : “Il faut nous voir comme une espèce d’attraction foraine, parce que les gens trouvent nos magasins follement amusants à parcourir. Est-il activité plus exaltante que de bourrer son caddie de choses qui valent, croit-on, beaucoup plus que leur prix ? C’est un peu l’esprit “puces”, chasse au trésor. Si un jour nos clients se lassent de nos produits, il ne nous restera plus qu’à mettre la clé sous la porte.”
Les succès fracassants de Daiso aiguillonnent les autres commerçants, témoins ces hypermarchés qui ont déjà commencé à lancer leurs “boutiques à 88 yens”. Ce boom ne manifeste en tout cas nul signe de repli. Voici que les boutiques monoprix franchissent les mers et commencent à fleurir en Thaïlande, bonne élève du Japon, et dans d’autres pays asiatiques.
Tout semble se passer fort bien... dans le meilleur des mondes possibles.
Et peut-être même — il n’est pas défendu de rêver — que cette tendance d’acheter-plus-pour-vendre-à-moins s’étendra bientôt du Japon au monde entier.

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Les kilomètres de rayons (extrême gauche) regorgent d’une telle diversité de produits intéressants que l’on croit rêver d’une scène de pillage :
(1)
des boîtes de plastique, chacune prête pour un usage précis
(2)
produits de beauté
(3)
par la gauche : la petite marmite individuelle pour mitonner sa ration sur la table familiale, flacon, coupelle et jatte à saké
(4)
“quelques” ustensiles pour monter sa cuisine
(5)
vaisselle de verre.
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