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NIPPONIA No.17 15 juin, 2001

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Reportage spécial*

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Le donjon avec ses bâtiments attenants au Château d’Edo. Le Shogun résida au château durant toute la période de Edo (1603-1867). Vue de Edo (ancienne appellation de Tokyo) dans la première moitié du XVIIe siècle. (Détail du paravent Edo-zu byôbu; propriété du Musée National d’Histoire du Japon)
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L’ineffable fascination des châteaux

Cette beauté structurale et ce sens de l’histoire qui se retrouvent dans tout château japonais se donnent tout aussi bien à voir dans un vieux temple bouddhiste ou sanctuaire shintoïste. Toutefois, l’admiration qui saisit à la vue d’un château est différente de ce que nous ressentons pour un antique édifice religieux. Pourquoi?
Tout d’abord, on visite un château pour s’imbiber des fumées du passé. L’architecture très ornementée, qui trouve sa meilleure expression dans le donjon central, éveille et entretient bien sûr ce sentiment, mais l’atmosphère de déréliction y contribue bien davantage. Sentiment qu’a magistralement décrit Matsuo Basho (1644-1694) dans son célébrissime poème haïku:
Natsukusa ya
tsuwamono-domo ga
yume no ato
Herbes folles en été
des ambitions des guerriers
c’est tout ce qu’il est resté
Pour les seigneurs de guerre des temps jadis, le château était le théâtre lumineux de leur gloire ou la géhenne d’anéantissement de leurs grands desseins, et chaque château a certes son histoire à conter, qui sera parfois une tragédie shakespearienne de désastre total. Ainsi, quiconque visite un château ne manque jamais d’être saisi par cette bouffée d’atmosphère des temps révolus qu’il diffuse.
Une autre raison qui fait que les Japonais adorent visiter les châteaux tient au sentiment de communiquer avec les connaissances et les techniques de ces gens qui vivaient il y a très, très longtemps. Par exemple, les étroites meurtrières pratiquées dans les murailles du château pour pointer les arquebuses ou darder piques et pertuisanes sur l’ennemi, ou les chicanes multiples des portes et des passages pour éviter que celui-ci ne puisse progresser en ligne droite dans les œuvres vives du château : absolument tout, jusqu’à l’implantation des arbres, concourait à rendre inexpugnable la forteresse.
Et si, malgré ces obstacles, l’ennemi parvenait à forcer le passage jusqu’à une tourelle, ou, scénario du pire, le donjon central, d’autres traquenards l’attendaient, comme ces mâchicoulis par lesquels les assiégés déversaient sur les assaillants force pierres et matières incendiaires. Autant d’aménagements admirables bien propres à faire ressurgir devant les yeux de l’observateur quelque peu averti les images des grands seigneurs de guerre des temps médiévaux et prémodernes jetant, comme des généraux fous, leurs armées les unes contre les autres en des affrontements titanesques, autant d’ailleurs que les images des ingénieux artisans qui conçurent et exécutèrent la formidable machine de guerre, et de politique, qu’était le château médiéval.
Mais la principale raison sans doute qui réserve aux châteaux une place privilégiée au cœur des Japonais réside dans le fait qu’ils constituent le symbole même des populations vivant dans leur ombre. Le fait éclata avec une belle évidence lorsqu’on vit les mouvements populaires s’unir, toutes tendances confondues, pour pousser à la reconstruction de leur château, dans son intégralité souvent, ou parfois seulement du gros donjon, réduit en cendres par les bombardements de la Guerre mondiale de 1945, car ils furent hélas nombreux à subir ce sort. Et si la tour du donjon ou autres corps de bâtiments ne pouvait être reconstruite, et que demeuraient seulement les douves et les remparts de pierre, l’ancien site fut toujours aménagé en un vaste parc offrant, curieusement, au visiteur une formidable atmosphère de paix et de tranquillité.
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