Le Château, lieu
de mémoire historique et de beauté
Siècle après siècle, les hommes
ont édifié des châteaux pour se protéger
dun ennemi dau-delà de ce quils considéraient
comme leur espace vital. Les villages du Japon préhistorique
sentouraient de fossés, douves, terrassements et levées
de terre, ce qui constituait déjà de remarquables
places fortes, des châteaux donc, par destination.
La mise en place, de la fin du VIIe au Xe siècle, dun
premier état avec ses lois et ses codes, vit, entre autres
grands travaux, lérection dun réseau douvrages
dart, bastides, bastidons ou bastions, dans le cadre dune
politique de défense nationale. Que lon veuille, tantôt
lancer depuis le fort de Mizuki-jo des expéditions pacificatrices
contre des populations insoumises sagitant dans
le Nord du Honshu, tantôt, prêtant aux voisins continentaux
des desseins semblables aux siens propres, se prémunir contre
déventuelles incursions des Royaumes de la Chine Tang,
ou de Silla, en Corée, en élevant une espèce
de ligne Maginot dans le Kyushu, tous ces ouvrages,
de défense ou dattaque, peuvent déjà
être considérés comme des châteaux avant
la lettre.
Tout au long du Moyen-âge (du Moyen-âge du Japon sentend,
que lon place traditionnellement entre 1180 et 1560, cest-à-dire
les quatre siècles comprenant les périodes de Kamakura,
de la Guerre civile des Deux Cours, de Muromachi et des Guerres
Civiles, tandis que lon assigne traditionnellement les limites
de 476 — chute de lEmpire romain dOccident —
à 1453 — prise de Constantinople — au Moyen-âge
de lEurope) qui fut aussi la grande période des samouraïs,
le château, occupant un rôle de plus en plus grand,
grandit en taille et proliféra dans tout le Japon. Au cours
de la période des Guerres Civiles (milieu XVe - deuxième
moitié XVIe), chaque seigneur local édifia un château
sur son fief. Autant de bases militaires en principe inexpugnables,
commodes à défendre en tout cas, et servant à
affermir le contrôle sur un domaine. Cest ainsi que
deux immenses et magnifiques châteaux bâtis durant cette
période, les châteaux de Azuchi (construit par Oda
Nobunaga, 1534-1582) et dOsaka (construit par Toyotomi Hideyoshi,
1536-1598), devinrent les archétypes de tous les châteaux
qui allaient sédifier plus tard au cours de la période
de Edo.
La période courant de 1568 à 1603, qui mit le pays
sous linfluence de Oda Nobunaga dabord, de Toyotomi
Hideyoshi ensuite, est parfois appelée ère Shokuho
(qui nest autre que la prononciation télescopée
des noms de ces deux grands condottieres),
mais plus communément Période Azuchi-Momoyama,
daprès les lieux où sélevaient
ces imposants châteaux-manoirs, en Azuchi, pour Nobunaga,
et en Fushimi Momoyama, pour Hideyoshi. Châteaux dailleurs
proches de Kyoto (siège du pouvoir impérial étiolé),
conçu tous deux dans un style aussi somptuaire que propre
à inspirer une crainte révérencieuse devant
la puissance de leurs illustres occupants, ils allaient devenir
le parangon qui définirait toute architecture de château
à venir.
Les châteaux construits à cette époque et durant
la période de Edo se caractérisaient généralement
par un puissant donjon central (tenshukaku)
à plusieurs étages (cinq ou six), servant éventuellement
dultime retranchement de la garnison. Leur finalité
naturelle, de poste de guet embrassant le pays en même temps
que de commandement (le dernier étage) en cas de bataille,
évolua assez rapidement vers un rôle de symbole de
limportance affichée du seigneur qui loccupait.
Cest ce qui explique la décoration extrêmement
élaborée des extérieurs, surtout les toitures,
mais aussi des intérieurs.
Les murailles extérieures étaient enduites de plâtre
afin de protéger la bâtisse contre lincendie.
Mais le plâtre avait un autre objectif : créer un merveilleux
et saisissant contraste avec les tuiles sombres des toitures et
le planchéiage noir recouvrant les murs des étages
supérieurs. Murs dans lesquels étaient pratiquées
de petites meurtrières, rondes, triangulaires, carrées
ou rectangulaires, destinées à décharger sur
lassaillant un feu nourri darquebuses et de mousquets.
Ça cétait laspect purement fonctionnel,
poliorcétique, mais de plus, artistiquement réparties,
elles ajoutaient à la beauté de la structure.
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