NIPPONIA No. 47 15 décembre 2008

TOP

Reportage spécialsp_star.gifSushi! Sushi! Sushi!

ph

Yui Ryuichi, troisième génération de patrons et chefs de Kizushi. Malgré le classement de son établissement en haut de l’Olympe des restaurants de Tokyo, il demeure simple et amical avec tous ses clients.

japanese
ph

A gauche : Les deux fils de Yui (Kazuhiro l’aîné, à gauche, et Koji) travaillent avec lui, prêts à prendre la relève lorsque le jour viendra.
A droite : Baguettes, soucoupe pour la sauce de soja, serviette et autres accessoires dans un plateau posé sur le comptoir attendent le client.

japanese

Riz et poisson constituent la colonne vertébrale de la gastronomie japonaise, et leur harmonie parfaite se dessine dans le sushi. Profondes sont les racines du sushi au Japon, bien qu’apparemment le premier “sushi” au monde ait probablement fait son apparition en Asie du Sud-Est et en Chine. Il aurait été une manière de conserver la nourriture qui tire parti de la capacité du riz à provoquer la fermentation de l’acide lactique, susceptible de protéger les fruits de mer contre les bactéries. De nos jours, il n’est pas de région au Japon qui n’ait ses propres recettes traditionnelles, véritables trésors d’une variété culinaire reflétant les conditions d’existence et les préférences de chaque lieu. Parmi les plus vénérables concoctions trône le funa-zushi1 de la Préfecture de Shiga. La préparation demande de laisser fermenter la chair du poisson funa (Carassius carassius, carrassin commun) dans le riz et le sel durant pas moins de six mois. L’acide lactique présent dans le mélange subit une fermentation et produit une odeur forte et riche, que d’aucuns n’hésitent pas à comparer à un fromage bien fait. Une fine tranche de ce sushi dans un bol, arrosée d’eau chaude, permet d’en savourer la complexité délicieuse.

japanese

Petit historique du nigiri-zushi

ph

Extrait d’une scène intitulée Onadai Shusse Sugoroku, estampe sur bois ukiyoe du XIXe siècle par Toyohara Kunichika. Propriété du Musée Commémoratif du Théâtre Tsubouchi à l’Université Waseda.

japanese

Si l’on vous dit « sushi », il est probable que la première chose qui vous vient à l’esprit, c’est la variété façonnée à la main devant vous par le chef cuisinier. C’est cela qu’on appelle le nigiri-zushi. La base est constituée de riz assaisonné de vinaigre et d’un peu de sel. Le riz est façonné à la main de manière à former une boulette aisément manipulable, puis surmonté d’une garniture à base de fruit de mer. Ce type de sushi a vu le jour au début du XIXe siècle, lorsque les citoyens d’Edo (le Tokyo d’autrefois) se découvrirent un attrait pour la bonne chère. A cette époque, les “gourmets d’Edo” créèrent également nombre de recettes encore en vogue de nos jours, qu’il s’agisse de l’unagi no kaba-yaki (anguille fendue en deux et grillée), des tempura (beignets légers de légumes et de poisson), ou encore du soba (nouilles de sarrasin). Tous ces plats, représentatifs de la cuisine tokyoïte, sont maintenant servis dans tout l’Archipel. La ville d’Edo fut fondée au bord de la baie éponyme (maintenant appelée, comme de juste, Baie de Tokyo), un endroit riche en poissons et coquillages dont les meilleurs spécimens se retrouvèrent à garnir des boulettes de riz sushi. Ainsi vit le jour le haya-zushi (“sushi rapide”) d’Edo, restauration rapide et dans le vent, propre à satisfaire le goût des citoyens de cette ville pour l’audace et la perfection, ou iki2. La popularité de ce sushi nouveau fit rage à Edo et éclipsa bientôt celui servi habituellement alors, le hako-zushi (sushi compressé dans une boîte). Le hako-zushi ne disparut cependant pas corps et biens, puisqu’il est toujours un élément central du menu de sushi à Osaka, Kyoto et tant d’autres localités de la région du Kansai.

Le génie du sushi traditionnel repose en particulier sur sa capacité à mettre en valeur au maximum la saveur de tel ou tel fruit de mer, tout en participant à sa conservation. Bon à manger, et sûr à manger aussi – depuis les origines, les chefs ont introduit innovation sur innovation pour repousser toujours davantage les limites du “délicieux et sûr”. La prochaine fois que vous vous assiérez à un comptoir de sushi, demandez donc un ikkan3 de nigiri-zushi. Riz sushi et garnitures sont on ne peut plus dissemblables en tant qu’ingrédients, mais ils s’équilibrent merveilleusement, créant une délectable harmonie.

L’art du nigiri-zushi atteignit son niveau actuel de quasi-perfection dans les années 1910, avec l’emploi de garnitures soit crues et marinées dans le sel et le vinaigre, soit mitonnées, voire étuvées. Le nigiri-zushi a vu le jour dans le vieil Edo, mais sa vigueur ne se trouva pas ralentie après le changement de nom de la ville en Tokyo dans les années 1860, et sa tradition préservée est devenue célèbre dans tout le Japon en tant que Edo-mae (à la façon d’Edo) nigiri-zushi.

Il va sans dire que les progrès actuels du transport rapide et de la réfrigération ont rendu caduques les préoccupations de conservation à l’ancienne, mais le génie des chefs de l’ancien temps demeure. Certes, le poisson ou le coquillage est de première qualité et d’une fraîcheur irréprochable, mais il est quand même préférable de servir certains ingrédients non pas simplement crus, mais marinés, mitonnés ou étuvés comme autrefois. En tout cas, c’est la manière d’approcher la perfection en nigiri-zushi, et ce n’est donc pas un hasard si les meilleurs chefs ont à coeur de prendre le temps qu’il faut pour pratiquer les vieilles techniques Edo-mae. Venez explorer avec nous le monde mystérieux du Edo-mae zushi.

japanese

NIPPONIA
TOP