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NIPPONIA No. 36 15 Mars, 2006
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Reportage spécial*
Koyama Hirohisa est le directeur de l’École Culinaire Heisei ; il y enseigne et se consacre également à la promotion de la cuisine japonaise à l’étranger.
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Certains l’aiment cru :
préparer
sushi et sashimi
Il existe de nombreuses façons de cuisiner le poisson au Japon, mais l’expérience ultime, l’acmé gastronomique, est sans nul doute de le déguster cru, sous forme de sashimi ou bien de sushi. Cependant, la consommation des fruits de la mer crus exige une fraîcheur irréprochable, et une saveur à l’avenant, ce qui signifie, autrement dit, savoir choisir son produit et connaître la bonne façon de le préparer. Nipponia a demandé ses lumières à l’un des chefs les plus en vue du Japon : Koyama Hirohisa.
Secrets de préparation dévoilés à Nipponia par Koyama Hirohisa,
patron du restaurant japonais traditionnel Aoyagi.
Photos : Kono Toshihiko
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Dans cet assortiment de sushi et de sashimi sont présents entre autres : bouquets, oursin, œufs de hareng, thon, daurade, chinchard, calamar. L’œil du chef pour repérer les plus excellents produits, et une main sûre pour la découpe, sont les clés d’une dégustation aussi agréable à l’œil qu’au palais.
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Archipel situé en Asie orientale, le Japon est entouré de tous côtés par des océans peuplés de milliers de variétés différentes de poissons. Il est donc logiquement bien difficile de parler de cuisine japonaise sans évoquer le poisson, et parmi ses divers modes de préparation, l’art de le servir cru tient une place importante. Partie intégrante de la culture culinaire du Japon depuis des temps reculés, le poisson a toute une somme de connaissances à nous apprendre.
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Le poisson cru, une tradition récente
Ce n’est que depuis à peu près un siècle et demi qu’au Japon il est devenu courant de consommer du poisson vraiment cru. Avant cette époque, l’on mangeait bien du poisson qui n’avait pas été cuit, mais qui avait tout de même subi un traitement pour éviter de pourrir, que l’on parle de salage ou de marinade à base de vinaigre. Certes, lorsque l’usage de la sauce de soja se répandit dans le pays au milieu du XVIe siècle, certains gourmets commencèrent à déguster du poisson cru coupé en petits morceaux et trempés dans la sauce, mais cette pratique attendit trois siècles pour se répandre parmi les gens du peuple. En fait, la consommation du poisson cru ne se popularisa véritablement qu’après la seconde guerre mondiale, grâce aux avancées technologiques dans la réfrigération électrique, le transport, et aussi l’hygiène urbaine – favorisée entre autres par l’organisation systématique du ramassage des ordures.
Les Japonais ont cependant toujours consommé des fruits de mer, et le vaste répertoire culinaire développé pour cette catégorie d’aliments fut facilement adapté à la préparation du poisson cru. Un tour de main particulier appelé ikejime est employé pour tuer le poisson de manière à assurer la plus grande fraîcheur et le meilleur goût possible. Il y a quelques années, j’eus l’occasion d’en faire la démonstration pour le grand chef Alain Ducasse, que j’ai l’honneur de compter parmi mes amis. J’ai utilisé pour ce faire un bar fraîchement pêché au large des côtes bretonnes.
La coutellerie : un équipement qui tranche
La cuisine japonaise nécessite une panoplie impressionnante de couteaux, chacun conçu pour une tâche spécifique et un ingrédient précis. Les quelques exemples suivants ne font qu’effleurer la variété existante. Depuis le haut à droite : hamo-giri bocho (lame de 36 cm de longueur; pour les poissons présentant de nombreuses petites arêtes); yanagi-ba bocho (pour le sashimi—on tire la lame vers soi en coupant, afin de ne pas écraser les fragiles fibres du poisson); maguro-hiki bocho (pour le poisson peu fibreux—couper à la verticale); fugu-hiki bocho (pour trancher très finement); deba bocho (lame large et épaisse, pour lever les filets des gros poissons); et usuba bocho (surtout employé pour hâcher finement les légumes).
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Pour le ikejime, dès que le poisson est tiré de l’eau, il faut, à l’aide d’un crochet spécial, écraser le rhombencéphale, cette partie du cerveau qui commande les nerfs. Le cœur continue à battre et à pomper le sang ; en coupant les artères situées au niveau des branchies et de la queue, le sang se trouve chassé à l’extérieur et son goût déplaisant ne vient pas affecter la chair. Il est important de bien maintenir le poisson pour éviter que ses mouvements désordonnés n’abîment la chair qui serait moins goûteuse. Un poisson tué par la méthode ikejime n’est pas tout à fait mort – il est si frais que ses muscles bougent encore. C’est le moment de le manger. Monsieur Ducasse en était stupéfait, et sembla trouver le résultat fort à son goût.
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Sashimi et sushi
Sashimi et sushi sont les plus célèbres accommodements du poisson cru. En réalité, le mot “sashimi” s’appliquait au départ à toute nourriture tranchée, qu’il s’agisse de légumes, de tofu ou de poisson. L’aliment est découpé en bouchées, dans le sens des fibres ou en travers selon ce qui donnera la meilleure saveur. Le sashimi se cuisine au fil du couteau.
Il existe d’ailleurs une expression, kasshu hoju, qui signifie « La découpe vient en premier, la cuisine en second ». Cela signifie que le sashimi est supérieur à tout autre art culinaire. La découpe est si importante dans notre métier, que nous avons besoin d’un jeu de couteaux tout à fait impressionnant. Ce sont là nos outils de base, aussi faut-il en prendre grand soin ; les miens sont si bien aiguisés que je pourrais presque me raser avec ! Chaque jour, une part importante de ma journée de travail est consacrée uniquement à leur affûtage.
Le sushi est actuellement célèbre dans le monde entier. Le sushi façonné à la main comporte deux parties – une boulette de riz assaisonnée de vinaigre, facile à prendre à la main, et une garniture faite d’un fruit de mer cru ou cuit. Il y a de cela bien longtemps, le sushi fut inventé dans un but de conservation de la nourriture, mais actuellement qui dit “sushi” pense simplement “boulette de riz avec une garniture”. Reste que les propriétés conservatrices du vinaigre aident bien à empêcher une détérioration trop rapide des ingrédients.
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Sur la photo, quelques produits de la mer qui se mangent crus : daurade, bouquet, chinchard, calamar, turbo cornu, scombre, abalone. Autres choix possibles (non montrés ici) : thon, bonite, sole, sériole ou encore bar.
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Choix du poisson et préparation
Il est délicat pour moi de faire une liste des poissons pouvant convenir à la préparation du sushi, car je ne peux présumer des ressources de votre pays. En règle générale, on peut cependant dire que plus le poisson est gros, comme le thon, plus il a de chances d’être bon à manger cru. Le sang du thon est riche en fer et en acides aminés qui ne se décomposent que lentement, c’est pourquoi il peut se manger cru. Les poissons de petite taille en revanche, et spécialement s’ils ont un dos brillant et bleuté comme les sardines, ont une chair très fragile, qui s’abîme facilement, et même les Japonais ne les mangeront pas crus, sauf éventuellement s’ils sont extrêmement frais.
Il est important de conserver le poisson aux alentours de 0°C, car ses protéines ont des fibres plus courtes que celles de la viande, ce qui facilite la propagation des micro organismes. Retirez soigneusement les écailles et les entrailles. Un nettoyage soigneux du poisson importe plus que sa fraîcheur elle-même. Durant cette opération, veillez à conserver couteaux, manches, planches à découper ainsi que vos mains aussi propres que possible.
Les produits de la mer utilisés pour le sushi peuvent se préparer de trois façons :
·crus
·saupoudrés de sel ou marinés dans le vinaigre
·bouillis ou grillés.
Quelques exemples de produits de la mer consommables crus : thon, daurade, bouquets, calamar, bar, jeune sériole, sole. En revanche, le genre de poisson dont le dos est brillant et bleuté, à la chair fragile, est susceptible de provoquer des réactions allergiques, donc si vous tenez à en servir cru, du moins placez-le dans le sel quelques temps afin de bloquer la prolifération bactérienne.
On ne répétera jamais assez combien une hygiène scrupuleuse est nécessaire dans la préparation du poisson. En effet, dans le cas du sushi encore plus que du sashimi, la chair du poisson est au contact des mains nues à chaque étape de la préparation. Non seulement vos mains, mais aussi toute la cuisine doit être impeccable. La propreté est la loi numéro un pour le cuisinier de sushi. Après tout, il faut bien être sûr que ce que l’on mange est sans danger.
J’ai fait un rêve : que tous les peuples du monde aient l’occasion d’apprécier la saveur authentique de notre cuisine, et tout spécialement la richesse des recettes à base de poisson. Plus prosaïquement, j’espère du moins que les lecteurs, alléchés par ces lignes, pourront expérimenter la joie profonde qui naît de déguster le poisson dans son état le plus naturel.
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Choisir un poisson frais
Ci-dessus à gauche : appuyer légèrement à côté de l’ouïe, la peau doit être souple.
Ci-dessuse centre : Les ouïes doivent être bien rouges et non violacées.
Ci-dessus à droite : L’œil doit être bien clair et brillant.
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