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NIPPONIA No. 36 15 Mars, 2006 |
Vivre au Japon
Etudier la cuisine japonaise demande du tranchant et du goût pour la culture
Avi Yadin Sternberg
Texte : Takahashi Hidemine
Photos : Akagi Koichi
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LÉcole Tsuji Osaka, où sétudient la cuisine et la pâtisserie, recrute dans tout le Japon de jeunes talents aspirant à devenir un jour des chefs, grands parmi les grands. Lécole, située dans larrondissement dAbeno à Osaka, compte parmi ses élèves un Américain de 27 ans, Avi Yadin Sternberg, enrôlé dans le cursus de cuisine japonaise.
« La cuisine japonaise demande une grande attention aux détails. Vous ne préparez pas simplement un repas vous y mettez tout votre cur », explique Sternberg dans un japonais parfait, sans se laisser distraire de sa tâche : découper un poisson.
Dès le lycée, cétait décidé ; il deviendrait un chef, et dès lors tous les moments libres à côté de ses études furent consacrés à acquérir une expérience grâce à des emplois à temps partiel dans divers restaurants. Son premier contact avec la gastronomie japonaise eut lieu alors quil était en troisième année de fac, lorsque le destin fit que ses parents lemmenèrent manger dans un bar à sushi.
« Je restai là tout pantois à regarder le chef. Son couteau tranchait le poisson à la vitesse de léclair. Chacun de ses mouvements était à la fois gracieux et dune efficacité pure, presque effrayante. Je ressentis que quelque chose de fondamental était à luvre nulle part ailleurs au monde la nourriture ne se prépare ainsi. »
Sa décision fut prise sur le champ, et il agit aussitôt, prenant congé de luniversité et débarquant au Japon à lâge de 21 ans. Rapidement, il se trouva par relations une place dapprenti dans un restaurant dans la Préfecture de Yamagata. Mais sa connaissance quasi inexistante de la langue et de la culture japonaises rendit toute communication impossible.
« Ils essayaient de mapprendre les bases, mais je ne comprenais rien, je faisais erreur sur erreur, même dans les trucs les plus simples. »
Il était donc nécessaire de tout reprendre à zéro, en commençant par étudier le japonais correctement. Il sinstalla à Osaka et passa une année complète à étudier à la YMCA. Et ensuite, ce fut lÉcole Tsuji Osaka. Les premières leçons furent conformes à son rêve comment utiliser un couteau. Une technique délicate est le katsura-muki, qui consiste à découper un radis daikon en tournant autour avec un couteau plat très acéré, de façon à en faire une feuille aussi longue que possible et aussi fine que du papier à cigarette. A force dentraînement incessant et soigneux, il finit peu à peu par maîtriser lart de la découpe à la japonaise.
« Regarder le professeur est une chose, reproduire ce quil fait en est une autre, bien différente. Pour apprendre une technique, il faut commencer par les bases, une chose après lautre, sans brusquer les choses en voulant aller trop vite. Cela demande énormément de patience. Finalement jappris ma leçon la plus importante : être patient permet de se concentrer, se concentrer permet de se relaxer, et cest là que vous trouvez le potentiel pour agir comme un chef professionnel : 100 % efficacité, pas un geste inutile. »
Il est également fasciné par la façon dont la cuisine japonaise reflète les saisons, deux exemples entre mille : lutilisation de la glace en été, et les zestes de citron yuzu découpés en forme daiguilles de pin pour une décoration hivernale. « Le moindre plat a une signification vous ne trouvez pas ça formidable ? »
Ses professeurs trouvent en lui un élève modèle, assoiffé de connaissances. Lorsquon lui montre quelque chose, il nhésite pas à poser des questions. Comme le dit lun de ses professeurs, Hashimoto Nobukatsu, « Il me demande pourquoi ci? pourquoi ça? et souvent cela me pousse à me dire tiens, bonne question! » On dirait bien que lenseignement marche parfois dans les deux sens.
Pendant ses congés, Sternberg en profitera sans doute pour visiter une exposition de poterie afin den savoir plus sur les arts de la table, à moins quil ne se rende à son cours dikebana ou de calligraphie pour affiner son sens de lesthétique et trouver des idées de présentation à table.
« Une fois diplômé, je voudrais travailler dans un restaurant traditionnel ici au Japon. Je veux en apprendre le plus possible afin dêtre capable, un jour, de retourner enseigner la cuisine japonaise authentique aux Etats-Unis ou au Canada. »
Cest pourquoi dans ses études prête-t-il attention à chaque petit détail. Cuisiner vient du cur, et lorsque le cur a ses raisons, la tradition se transmet tout naturellement dune génération à lautre.
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Sternberg se fait la main sur la technique usu-zukuri (tranchage ultra-fin) sous la houlette de lun de ses professeurs, Hashimoto Nobukatsu (debout à côté de lui). Ils sentraînent sur un filet de sole.
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