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NIPPONIA No. 36 15 Mars, 2006
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Le plus simple est le mieux
En dessus à gauche : Le Nouvel an est une période de célébration pendant laquelle on déguste la soupe zoni. Ingrédients et assaisonnements varient selon les régions, mais on trouvera invariablement dans son bol un morceau de mochi bien gluant et collant.
En dessus à droite : Un bol de riz bien chaud, quel bonheur !
(Photos : Kono Toshihiko)
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Tout l’art des cuisiniers occidentaux et chinois consiste à créer de nouvelles saveurs, délectables de préférence, mais qui s’éloignent souvent beaucoup du goût des aliments d’origine. Au Japon, c’est tout le contraire – le but ultime de l’art culinaire est de garder au minimum l’impression d’une intervention humaine sur la nourriture, qui doit se présenter sur la table aussi proche de son état naturel que possible. La cuisine traditionnelle japonaise met donc l’accent sur la saveur originale, première, des ingrédients, au lieu de la travestir sous d’humains artifices. Surtout pas de fioritures, serait la devise du maître-queux nippon.
Dans cette perspective, le “non cuisiné” ultime est bien sûr le sashimi. Le poisson, d’une fraîcheur irréprochable, arrive cru sur la table, simplement découpé en bouchées que l’on trempera légèrement dans une sauce de soja assaisonnée de wasabi. Quelle meilleure façon d’apprécier le goût du poisson ? Le sashimi est considéré avec raison au Japon comme le pinacle de l’expérience gustative.
Evidemment, afin de pouvoir être consommée au plus proche de son état naturel, la nourriture se doit d’être de la première fraîcheur. Avant même de juger de la dextérité d’un chef, c’est la fraîcheur de ses ingrédients que l’on se doit d’examiner. Le gourmet japonais est donc partial pour les produits de saison – (shun) chaque période de l’année se déguste pleinement dans la fraîcheur de ses produits. A chaque saison, un plat, cette idée est au cœur de la cuisine japonaise traditionnelle.
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Une cuisine en évolution
Lorsque le Japon s’ouvrit au monde occidental autour de la Restauration de Meiji (1868), les Japonais moyens étaient plutôt du genre malingre, surtout comparés aux grands Américains rougeauds élevés au bœuf qu’ils rencontraient pour la première fois.
Ce que voyant, les membres du gouvernement et l’élite intellectuelle conclurent que la construction d’une nation moderne et occidentalisée nécessitait des travailleurs et (surtout) des soldats plus grands et plus robustes. A cette fin, la consommation quotidienne de produits carnés et laitiers fut vigoureusement encouragée.
A part quelques concoctions du type sukiyaki, la somme de l’art culinaire traditionnel ne comportait que peu d’éléments quant à la préparation et la conservation de la viande. Aussi les chefs durent-ils se tourner vers des recettes étrangères. La gastronomie occidentale constitua leur guide principal, parce que le modèle en tout, le parangon de la modernité, c’était l’Europe. Il fallut attendre le milieu du XXe siècle pour que, finalement, quelques recettes à base de viande venues de Chine ou de Corée touchent les rives nipponnes, alors que ces pays avaient pourtant au départ bien plus de points communs avec le Japon (ne serait-ce que l’usage des baguettes et l’habitude de manger du riz).
Aujourd’hui, les repas s’agrémentent de nombreux plats et la consommation de riz a naturellement diminué.
(Photo : Kawashima Yasuhiko)
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La viande était donc un ingrédient nouveau, nécessitant des recettes nouvelles et importées, mais peu à peu, cette cuisine étrangère se fondit dans le paysage culinaire local en se “japonisant”. Les assaisonnements furent modifiés pour se marier avec le riz, les morceaux furent découpés en bouchées afin de pouvoir être saisis du bout des baguettes. La sauce de soja est un assaisonnement incontournable au Japon, et lorsque les Japonais découvrirent la sauce Worcester, ils la considérèrent comme une forme occidentale du shoyu, et à ce titre, l’employèrent pour les plats occidentaux “à la sauce japonaise”.
Aujourd’hui, la cuisine familiale a subi tant d’influences étrangères que certains se plaisent à la qualifier de cosmopolite, mais nous dirons plutôt qu’il s’agit d’un nouveau type de cuisine japonaise. On dit bien que les Japonais ont le chic pour adopter des inventions de l’étranger et les modifier ensuite à leur goût. C’est exactement le cas pour la cuisine aussi.
Depuis les années 60, la consommation de riz est en chute libre ; elle a diminué de moitié en 40 ans. Ce n’est pas très surprenant dès que l’on sait que maintenant, le riz est passé au second plan du repas, au profit des autres mets. Naguère, un repas familial se composait de beaucoup de riz, un seul plat d’accompagnement, une soupe (de miso, en général) et probablement quelques légumes saumurés. Il n’y a qu’aux grandes occasions que le repas comportait plus de plats. Mais aujourd’hui, chaque convive autour de la table familiale se régale d’au moins trois mets, en plus du riz qui est toujours là certes, mais comme un accompagnement et non plus la vedette incontestée du dîner.
La croissance économique a permis à tous les Japonais de déguster, les jours ordinaires, une abondance de nourriture qui, pour leurs ancêtres, était circonscrite aux jours de fête. Chaque repas est devenu un festival gustatif, mais se pourrait-il que les dieux d’autrefois aient déserté la fête ?
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