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NIPPONIA No.31 15 décembre, 2004
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Les lutteurs arc-boutés sur leurs poings se foudroient du regard dans le plus pur style shikiri (à gauche). Ensuite ils se jettent l’un sur l’autre avec fracas. Trois des prises les plus usitées qui doivent anéantir l’adversaire : oshidashi (pousser dehors de front, centre); yorikiri (bouter, droite); et hikiotoshi (déséquilibrage par traction du bras vers le bas, au-dessus). Cette dernière technique utilise l’inertie de l’adversaire pour le tirer brusquement, le déséquilibrer et le précipiter à terre. Adresse et sens aigu de la coordination sont ici indispensables.
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Par exemple, aussitôt montés sur l’arène, les deux protagonistes commencent par jeter une poignée de sel. Le sel met en déroute les esprits malfaisants et purifie la terre. Le rituel implique aussi une prière instante à la divinité tutélaire pour conjurer toute blessure fâcheuse dans cette rencontre. Quarante-cinq kilos de sel attendent au pied de l’arène pour la journée, largement assez pour tout le monde.
Ensuite, les deux rikishi entreprennent une série de gestes. En une puissante flexion des cuisses ils abaissent gravement les hanches, frappent par deux fois dans leurs mains qu’ils frottent l’une contre l’autre, puis ils étendent largement les bras, paumes des mains tournées vers la terre. Ce rituel est un vestige du temps où le sumo se disputait à l’extérieur : les lutteurs arrachaient des herbes autour d’eux afin de se purifier les mains avec la rosée. L’ample mouvement des bras et mains ouverts attestait aussi l’absence d’une quelconque arme.
L’eau (mizu) est un élément très important du cérémonial sumo. Un seau avec sa louche de bois placé au pied de l’arène contient “l’eau de force” (chikara mizu) avec laquelle le rikishi se rincera la bouche et se lavera symboliquement le corps. Le grand dais violet, mizu hikimaku, suspendu au-dessus de l’arène est associé avec les vertus rassérénantes de l’élément liquide afin de calmer l’agressivité des lutteurs avant la confrontation. Et si l’issue tarde (plus d’une minute c’est déjà trop long), l’arbitre ordonne une courte pause, le mizu iri. Ainsi, sel et eau revêtent une vertu magique conjuratoire du mal, au sens propre et figuré.
Les deux adversaires font à présent un pas vers le centre de l’arène, lèvent — le plus haut possible — une jambe tendue pour la faire retomber lourdement sur le sol, puis l’autre. Ce piaffement jupitérien, le shiko, n’est qu’un exercice d’échauffement destiné à fortifier le bas du corps, bien que le dessein originel soit d’écraser et faire rentrer sous terre les esprits mauvais.
Les voici à peu près parés pour le big bang. Ils s’accroupissent, se ramassent et se foudroient du regard. La respiration est soigneusement contrôlée, les poumons se vident avant d’inhaler et retenir une immense bolée d’air. Ce mouvement amène l’énergie du lutteur à son acmé, censée être l’état de préparation idéal pour lancer sa masse en une épouvantable explosion sur celle de l’adversaire.
On compte soixante-dix prises différentes pour faire mordre la poussière à l’adversaire, la plus courante étant le yorikiri (bouter l’adversaire hors de l’arène par poussée frontale). Deux autres font empoigner à pleine main la ceinture de l’adversaire pour le jeter à terre en le serrant, soit par-dessus le bras (uwatenage), soit par-dessous les bras (shitatenage).
La rencontre est arbitrée par un pittoresque personnage, le gyoji, portant kimono chamarré, indicatif de son rang dans la profession, et coiffé du eboshi. Les rencontres impliquant un yokozuna —lutteur du rang le plus élevé— sont arbitrées par un arbitre du grade le plus élevé, le tate-gyoji.
«Hakki yoi!» : l’engagement est toujours survolté par ces glapissements du gyoji censés galvaniser les énergies des lutteurs pour qu’ils extraient le meilleur d’eux-mêmes. Le plus souvent, le vainqueur est évident, mais il incombe parfois au gyoji de prendre une décision difficile. Par exemple lorsque les deux lutteurs mordent la poussière pratiquement au même moment. Dans ce cas, la décision de l’arbitre peut être contestée par un aréopage de juges assis au pied de l’arène. Ils montent alors sur l’arène, et par un bref conciliabule, confirment ou infirment la décision de l’arbitre, voire ordonnent la reprise de l’engagement.
L’engagement terminé, les deux lutteurs reprennent leur position de départ pour se saluer. S’il s’est agi d’un engagement ayant attiré un intérêt considérable, une prime de combat est remise au vainqueur à sa descente d’arène. Avant de recevoir l’enveloppe, sa main tendue hache trois fois l’air de haut en bas en un geste de gratitude aux trois dieux de la victoire.
Les rencontres de la journée se terminent vers dix-huit heures par la petite cérémonie finale du yumitori shiki. Un lutteur monte sur l’arène et fait virevolter un arc (sans corde) dans sa main, vestige de l’usage qui consistait à offrir un arc en prix.
Le sumo est beaucoup plus que la lutte, c’est le sport national du Japon combinant le sacré et la compétition. Mais le rikishi fait plus que s’empoigner avec un adversaire : il s’entraîne tous les jours de l’année, se conforme à l’existence de phalanstère du sumo-do, “la voie sumo”. D’où l’attitude modeste des vainqueurs. Ces dernières années, un nombre croissant de lutteurs étrangers (61 en 2004) est venu grossir les rangs des rikishi. Ainsi, voit-on aujourd’hui un rikishi de Mongolie, Asashoryu de son nom de guerre, accéder au rang suprême de yokozuna. Les anciennes traditions du sumo commencent à céder au vent de la mondialisation.

La prochaine livraison de Nipponia explorera plus à fond le monde du sumo : hiérarchie, traditions, séances d’entraînement, repas pris en commun et bien d’autres aspects du quotidien d’un sumo dans son “écurie”.
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Si vous désirez voir un tournoi …
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Les tickets sont mis en vente un mois environ avant l’ouverture du tournoi. Vous pourrez vous les procurer au guichet du stade, à un point de vente du stade à Tokyo, ou dans une agence de voyage. Pour plus ample information, visiter le site Web de l’Association japonaise du Sumo : http://www.sumo.or.jp/eng/index.html
Photo : le Stade Préfectoral d’Aichi, où se tiendra le tournoi de juillet au cours de l’Expo 2005.
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