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NIPPONIA No.26 15 septembre 2003
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Bestiaire du Japon
Les chats japonais ont-ils vraiment
la queue courte ?
Texte : Imaizumi Tadaaki
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Au Japon, le chat domestique se rencontre pratiquement partout où vit l’homme. Le chat japonais que l’on voit ici est connu non seulement pour sa queue tronquée, mais également pour ses grands yeux et ses grandes oreilles (Photographie : Iwago Mitsuaki)
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Le chat est considéré comme un animal de compagnie depuis des siècles au Japon. Les chats sont si répandus qu’on les rencontre partout. À telle enseigne que si vous en croisez un dans la rue, vous ne vous en souviendrez probablement pas. Ils sont si nombreux que la plupart des gens ont cessé de se demander s’ils ont rencontré ou non un chat dans la rue, et encore moins s’il avait la queue longue… ou courte. On trouve des chats domestiques vraiment partout au Japon, et même des chats errants, de la forêt subtropicale de Yanbaru à Okinawa, jusqu’à l’île isolée de Teuri à la pointe nord du Hokkaido, habitat réputé d’oiseaux marins, en passant par le quartier commercial de Ginza à Tokyo.
S’ils sont totalement autosuffisants, ces chats errants ne doivent pas pour autant être confondus avec le chat sauvage japonais. Il en existe deux espèces au Japon, radicalement différentes du chat domestique, le chat sauvage de Tsushima (Prionailurus bengalensis euptilurus) qui est une variété du chat sauvage du bengale, et le chat sauvage d’Iriomote (Mayailurus iriomotensis). Le chat domestique quant à lui n’est nullement indigène d’ailleurs, puisqu’il fut introduit de Chine dans un passé assez lointain.
La plus ancienne référence connue au chat domestique est une peinture funéraire d’un tombeau égyptien datant d’environ 1.600 av. J.-C. Cette peinture a suscité la théorie selon laquelle les anciens Égyptiens auraient domestiqué le chat sauvage libyen à une époque fort reculée.
On dit que les premiers chats domestiques arrivèrent au Japon en 538 (ou 552) ap. J.-C. On suppose qu’ils furent introduits en même temps que le bouddhisme, car ils étaient utilisés pour préserver les textes sacrés des déprédations des rongeurs. Des recherches génétiques montrent que le chat domestique est probablement natif de l’Inde, d’où il gagna le Japon via la Chine. La première mention précise d’un chat domestique se trouve dans le journal tenu par l’empereur Uda (867-931). Il était noir, et le journal indique qu’il arriva de Chine en 884.
Le premier nom de chat connu au Japon est « Myobu-no-Otodo », ce qui ne signifie « Première dame de compagnie du palais impérial ». Ce titre aux consonances aristocratiques lui fut donné par l’empereur Ichijo (980-1011). Ce chat avait donc un rang particulier à la cour, et les dames de compagnie étaient chargées de s’en occuper. Des textes anciens décrivent les chats du palais impérial portant un collier rouge avec une plaquette blanche, et jouant avec des cordons.
La première apparition du chat en peinture remonte au XIIe siècle. Elle est due au pinceau de Toba-no-Sojo (1053-1140). Il s’agit d’un fragment d’un rouleau de peintures narratives appelé Chojugiga, nous montrant trois chats rayés avec une longue queue jouant avec d’autres animaux tels que grenouilles, renards et lapins. Nous pouvons donc déduire de cette image que le chat était déjà commun au Japon à cette époque.
Une fois que les chats domestiques commencèrent à se répandre à travers tout le pays, on cessa de le considérer comme un animal exotique qui valût la peine d’aller chercher outre-mer. Le Japon demeura fermé sur lui même pour la plus grande partie de l’époque d’Edo (1603-1867), et durant cette période il n’était plus un chat qui ne fût conçu et mis bas au Japon. Des mutations apparurent alors soudainement, vraisemblablement en raison des croisements consanguins et au début du XVIIIe siècle, les chats à queue courte commencèrent à devenir de plus en plus fréquents. Si bien que les gens se mirent à considérer que les chats avec une queue courte étaient japonais, tandis que leurs confrères à queue longue avaient des ancêtres étrangers. Dans un essai appelé Guzasso, écrit vers 1800, on peut lire ceci : « Beaucoup de gens à Kyoto élèvent des chats chinois à longue queue, tandis qu’à Naniwa (Osaka), nombreux sont les gens possédant des chats japonais à queue courte. »
Ainsi le chat japonais avec sa queue tronquée, demeura comme une race très commune, mais distincte jusqu’à une période assez récente. Après la seconde Guerre mondiale, des races différentes commençant à être importées, dont le siamois et l’américain à poil ras, le chat à queue courte, génétiquement inférieur, devint soudainement assez rare. Ce fut vers cette époque qu’une Américaine ramena au pays plusieurs « chats japonais » pour les élever et les faire enregistrer comme une race nouvelle sous l’appellation de bobtail (queue courte) japonais. Grâce à elle donc, le chat japonais continue à vivre…aux États-Unis. Il semble que dans le monde félin également, la globalisation ait son mot à dire.
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