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NIPPONIA No.22 15 septembre 2002
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Reportage spécial*
Kabuki
Texte: Tokunaga Kyoko   Collaboration: Shochiku Corp.
Le Kabuki, théâtre classique le plus célèbre du Japon, peut s’enorgueillir d’un passé de quatre siècles. S’il a bien son origine dans des danses exécutées par les femmes (Kabuki odori), son évolution en art de la scène lui fit investir tous les rôles, même féminins, par des hommes, comme le théâtre de Shakespeare d’ailleurs. Mais là s’arrête la comparaison car il est unique à bien des égards tant par le maquillage, aussi fantastique que déroutant, la somptuosité des costumes, la sophistication poussée de la machinerie scénique, que l’emphase, l’hyper-grandiloquence déclamatoire, et la démesure de la gesticulation scénique. Cet aspect spectaculaire, et parfois acrobatique du genre exige de l’acteur de Kabuki des sommes de connaissances et d’adresse considérables.
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Le théâtre Kabuki-za est situé dans le quartier Ginza à Tokyo. (Crédit photographique : JTB Photo)
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Les techniques d’interprétation de Kabuki se transmettant le plus souvent du père au fils, puis au petit-fils, elles tendent à demeurer la propriété d’un nombre limité de “familles”. Ainsi, chaque famille d’acteurs se pose en gardienne de certains rôles, qui se transmettent également d’une génération à l’autre (comme si le rôle de Britannicus ou d’Othello était l’apanage exclusif de la famille X…).
Les Nakamura, ou Nakamura-ya (La Maison Nakamura) sont l’une de ces familles. Son lignage remonte sans interruption plus haut dans le temps que n’importe quelle famille d’acteurs du Japon. Nakamura Kantarô est né dans cette famille il y a vingt ans. Il devint acteur de Kabuki, non pas par obligation familiale mais parce que, ainsi qu’il le dit lui-même : “Aussi loin que remonte ma mémoire, j’étais amoureux du Kabuki. Je n’avais qu’une envie, qu’une idée, c’était de sauter sur la scène et de jouer.”
Le grand-père de Kantarô, Nakamura Kanzaburô XVII (dix-septième du nom), et son père, Nakamura Kankurô V, sont tous deux de fort brillants acteurs. “Entre eux, mais aussi chez d’autre membres dans la famille, bien sûr, le grand sujet de conversation, le seul et unique même, a toujours été les pièces de Kabuki. C’est dire si grandir dans l’univers de ces personnages fut pour moi motivant. Je voulais leur ressembler, et pour leur ressembler, il me fallait devenir acteur.”
Jamais, prétend-il, ne l’effleura la tentation de faire quelque chose d’autre. “J’ai commencé à étudier la danse traditionnelle japonaise tout enfant, je n’avais donc pas trop le temps de jouer avec mes petits camarades, se remémore-t-il. Mais cela ne m’affligeait guère, car je préférais bien mieux la danse, et je ne me suis jamais senti enchaîné par ma famille. Et je dois dire que même les gens qui me connaissent bien trouvent un peu étrange que jamais je n’aspirai à tenter quelque chose d’autre. Mais il faut bien se dire que le Kabuki est le monde que j’aime, car je m’y sens parfaitement bien.”
Même ainsi, cela doit être parfois bien éprouvant de porter à bout de bras tout le poids de la tradition d’une aussi illustre famille, lorsqu’on sait que l’on s’est donné pour tâche de perpétuer les techniques d’interprétation du Kabuki pour les générations à venir.
Pour le restant de cette année 2002, Nakamura Kantarô se produira au Théâtre Hakata-za de Fukuoka (Kyûshû), en septembre, et au Théâtre Kabuki-za de Tokyo en octobre et novembre.(Foto: Takahashi Noboru)
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“Si j’avais commencé à trop méditer sur la réputation de mes père, grand-père et illustres aïeux, je me serais retrouvé totalement terrorisé, congelé dans le passé. Donc pour me simplifier la vie, je médite avant tout sur ce qu’il m’est possible de faire. Et d’abord, si l’on veut que le Kabuki continue à vivre dans les décennies futures, il est impératif que davantage de jeunes viennent nous voir et nous entendre, maintenant, tout de suite. Il y a péril en la demeure! Le problème est que les billets sont beaucoup trop chers pour les jeunes. C’est pour cela que je ne cesse de conférer avec d’autres acteurs de mon âge pour essayer de monter des spectacles nous-mêmes, ce qui pourrait rendre le prix des places un petit peu plus abordable. C’est un projet qui mérite qu’on s’y attache. Beaucoup d’acteurs de mon âge sont très individualistes, et si nous pouvons réunir nos talents et nos compétences, je suis convaincu que le Kabuki pourrait devenir encore plus passionnant qu’il n’est en ce moment.”
Kantarô donne l’impression d’un jeune profondément sincère, et en tout cas extrêmement courtois, mais sans se départir jamais de sa franchise. Il est déjà l’auteur d’un livre récent de commentaires sur les phrases et tirades des pièces qu’il aime particulièrement. Tout ce qu’il fait est nimbé de son grand amour et de sa profonde intelligence des choses du Kabuki. NIPONIA

Pour toute information en japonais, bienvenue sur la page personnelle de Nakamura-ya :
http://www.mypixel.co.jp/Kabuki/index.html
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