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NIPPONIA No.21 15 Juin 2002
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Reportage spécial*
Des océans à la table, via les Halles de Tsukiji à Tokyo
Les Halles de Tsukiji, c’est le ventre de Tokyo, la caverne d’Ali-Baba de la “mangeaille”, qui traite toutes espèces de produits alimentaires frais, allant de ceux de la mer aux légumes et à la viande. Ces halles sont, paraît-il les plus vastes du monde, tant par leur surface au sol, leurs armées de personnel et de véhicules, que pour les recettes engendrées. Mais puisque c’est avant tout au poisson que ces halles doivent leur réputation dans le monde, nous allons nous pencher sur ce dernier aspect du marché, le meilleur au monde en qualité et en quantité.
Texte : Takahashi Hidemine, Photos : Akagi Koichi
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Le thon congelé attend de partir aux enchères. Ils sont déchargés ici en provenance des mers limitrophes du Japon, mais aussi de tous les océans du globe, que ce soit du Sri Lanka, de Tunisie, d’Espagne ou de Taïwan.
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Curieusement, les Halles de Tsukiji se trouvent à un quart d’heure de marche à peine de Ginza, quartier en plein centre de Tokyo. Chaque jour, ce sont quatre cent cinquante espèces de poissons et de coquillages — quelque 2.300 tonnes — qui affluent de toutes les mers entourant l’Archipel, et aussi de tous les océans du globe.
Ce serait un truisme de dire que les halles sont bruyantes : camions et “triporteurs” (appelés ici “tourettes”) transportant le poisson ajoutent leurs décibels aux vociférations des mille métiers se démenant dans toute “criée” du monde. Les Halles de Tsukiji sont aussi la caverne d’Ali-Baba du Japon pour les nourritures marines. Mais prenez garde! Elle sont si encombrée et tout le monde y est si affairé que s’y fait bousculer, voire rudoyer sans ménagement aucun, quiconque ne “dégage” pas assez vite. La plus grande prudence est donc de mise pour y déambuler.
Chaque nuit, à partir de onze heures du soir, c’est le train continu des arrivages par charges entières des poissons et coquillages. Pratiquement tout arrive par camion, bien qu’il se voit également des bateaux déchargeant sur des quais derrière les halles. Une fois déchargée, la marchandise passe aux mains de sept sociétés de gros régnant et se partageant le carreau des halles. Elles ont déjà passé des accords pour écouler la prise des sociétés de pêche. La loi d’airain régissant les transactions sur le carreau étant “Sokujitsu jojo, zenryo hanbai”, ce qui signifie que tous les produits marins doivent partir aux enchères le jour où ils sont déchargés. Ceci garantit aux pêcheurs leur revenu.
Il est 4h40 du matin et la cloche retentit. En différents emplacements de la criée, les commissaires habilités à travailler pour les grossistes commencent à lancer leurs appels d’offre aux intermédiaires, facteurs et commissionnaires. Ces intermédiaires occupent neuf cent vingt-neuf magasins sur la place. Chaque commissaire-priseur a un type bien défini de poisson à vendre et les commissionnaires et facteurs leur achètent ce qu’ils ont l’intention de vendre aux détaillants.
Les commissaires veulent bien sûr écouler la marchandise au plus haut prix, et chacun possède ses méthodes pour installer au plus vite une atmosphère d’incitation aux achats. Soit qu’ils aient lancé le bruit, avant l’ouverture des enchères, qu’ils avaient “aujourd’hui” des articles “spéciaux” à vendre, soit que, transformés en derviches tourneurs par un curieux balancement extatique de tout le corps, ils psalmodient les numéros des bacs de poissons comme s’ils donnaient lecture de quelque texte saint. N’essayez donc pas de comprendre ce qui se dit, car seul le commissaire et les acheteurs s’y retrouvent. Certains commissaires — sans doute les plus doués — conjuguent rythme du corps et modulation de la voix pour immerger les intermédiaires dans une hypnose d’achat. Les acheteurs entrent alors en syntonisation sur le rythme quasi shamanique, les mieux-disants se contentant de faire fulgurer quelques doigts levés pour indiquer combien — encore un mystère, et des plus épais! — ils sont prêts à payer. La tête tourne, chaque lot part en moins de dix secondes, et chaque vente se clôture en cinq minutes environ, mais cela peut dépendre, bien sûr, des quantités plus ou moins grandes de lots alignés sur le carreau.
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Déchargés des camions, les thons sont pesés, étiquetés pour indiquer l’emplacement de leur pêche, avant d’être alignés sur le carreau pour les enchères. Un marquage au rouge bien visible sur leur peau signale immédiatement les défauts.
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