Reportage spécialBienvenue au pays de l’hospitalité
A gauche : Randy Channell conseille ses étudiants durant une session d’apprentissage de Cérémonie du Thé.
A droite : Rouleau peint et arrangement floral ornant le tokonoma du salon pour le thé de Randy Channell. (Visitez son site sur http://www.15-1a.com/)
La Voie du Thé élève le concept de ichigo ichie au niveau d’un idéal esthétique et d’une règle de vie.
Randy Channell, natif du Canada, expert en arts martiaux et versé dans la Cérémonie du Thé, vit actuellement à Kyoto. Il est professeur associé de la tradition Urasenke du chanoyu (cérémonie du thé) et son Nom de Thé est Soei. Il est convaincu que la Voie du Thé est un moyen incomparable de se relaxer en dégustant des douceurs japonaises, bien sûr arrosées de thé.
Aussi simplement énoncé, voilà un programme qui a de quoi satisfaire les invités, mais le rôle de l’hôte ou de l’hôtesse va plus loin, car il s’agit de garantir un accueil aussi parfait que possible.
« L’accueil des invités débute en fait au moment même où vous décidez d’organiser une dégustation de thé. Le désir de recevoir s’exprime en effet et transparaît à chaque étape de la préparation, depuis la rédaction des invitations jusqu’au choix des friandises, en passant par la sélection des ustensiles. »
Le Maître de Thé Sen no Rikyu (1522-1591) énonce ainsi les Sept Lois de la Voie du Thé :
Fondamentalement, toutes ces lois peuvent se résumer ainsi : l’hospitalité, c’est la considération pour l’autre.
Pour Randy, il est important d’évoquer aussi la saison.
A la fin de l’été, son alcôve tokonoma s’orne d’un rouleau peint sous lequel se trouve disposé un simple arrangement d’herbes des pampas, clématites et patrinias – végétation typique du début de l’automne. Ainsi son salon pour le thé se prépare-t-il déjà aux premières fraîcheurs de la saison à venir.
D’une voix sereine il explique : « Ichigo ichie — ce moment ne reviendra jamais, donc il est de mon devoir de mettre mes hôtes parfaitement à leur aise. Dans la Cérémonie du Thé, c’est là la véritable hospitalité. »
Au cœur de la culture japonaise, le bouddhisme constitue aussi la trame de la Voie du Thé. Le bouddhisme nous enseigne que tout ce qui est dans le monde est impermanent (mujo). Un autre concept bouddhiste, engi, suggère que tous les êtres vivants sont liés entre eux par le destin – autrement dit, qu’ils dépendent tous les uns des autres.
De nouveau, l’on ressent l’esprit de ichigo ichie : chaque rencontre avec l’autre est un trésor unique à chérir, car jamais elle ne se reproduira.
Sen no Rikyu exprima l’essence de la Voie du Thé par quatre caractères : Wa Kei Sei Jaku (Harmonie, Respect, Pureté, Tranquillité). Ces quatre principes signifient respectivement : cultiver l’ouverture d’esprit mutuelle ; se respecter mutuellement ; demeurer virtueux ; et ne pas se laisser déstabiliser, quels que soient les événements.
Dans le salon du thé, l’invité est roi. S’il ne peut s’agenouiller, assis sur ses talons dans la position formelle seiza, qu’à cela ne tienne, il peut se mettre en tailleur. Qu’il sirote son thé ou bien l’avale d’un coup, qu’importe. On rencontre la même liberté dans les auberges traditionnelles. Au cœur de l’hospitalité japonaise réside l’idée que les invités peuvent se comporter comme ils l’entendent.
Bien sûr, cela ne va pas sans réciprocité – le respect est mutuel, dès lors que les invités aussi reconnaissent qu’une certaine attitude est attendue de leur part. C’est grâce à ce jeu de respect mutuel que l’hospitalité japonaise atteint les sommets qu’on lui connaît.