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NIPPONIA No.33 15 juin, 2005
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Construite en 1644, la pagode à cinq étages du Temple Kyo’o Gokoku-ji (To-ji) est désormais le symbole de l’ancienne capitale de Kyoto. Ses 57 mètres en font la plus haute pagode à cinq étages en bois du Japon.
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Le Temple Muro-ji, niché au creux d’une vallée de la Préfecture de Nara, s’orne lui aussi d’une magnifique pagode à cinq étages (hauteur 16 m ; classée Trésor National). On estime son édification à la fin du VIIIe, début du IXe siècle.
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L’on objectera, non sans raison, qu’un séisme vraiment violent fera sauter une boîte de l’empilement et jettera à bas toute la structure. Et c’est ici qu’intervient le cinquième et grand secret, — sans doute le plus captivant de tous — impliquant un élément structurel qui empêche la catastrophe finale. Imaginons une “tour” expérimentale de cinq bols empilés à l’envers sur un plateau. Quelques secousses imprimées au plateau feront s’écrouler l’édifice. Mais si l’on perce un orifice au fond de chaque bol pour y faire passer une baguette que l’on fixera pour la maintenir verticale, les bols deviennent une tour à la fois souple et solide qui restera debout même si l’on secoue le plateau. Qu’un des bols s’écarte un peu trop de côté, il sera retenu, ainsi que les autres, par l’épine dorsale de la baguette. J’appelle cela les “Bols de Colomb” (en bas), par comparaison avec l’œuf de Colomb qui ne consentit à tenir debout sur une table qu’après qu’une petite partie de la coquille eut été aplatie à cette extrémité. La baguette verticale maintient ensemble les bols, un peu à la manière d’un verrou de fermeture verrouillant une porte, quoique ce dernier est horizontal et non vertical. Le “verrou de fermeture” est, dans la pagode, le gros pilier central (shinbashira) s’élançant de la base au sommet (voir Figure 3.). Qu’une des boîtes tente de s’écarter par trop de l’alignement, le souple et robuste pilier la renvoie vers son centre.
Au cours d’un séisme, le pilier central vacille un peu, tel un pendule pointant vers le ciel, ce qui a pour effet de contrecarrer la force sismique. Mais les pagodes pourraient avoir encore d’autres secrets architecturaux à révéler !
Tous ces facteurs stabilisants — flexibilité, joints mortaisés, structure en boîtes empilées, stabilisation par verrouillage vertical, force de rappel — se combinent finalement en une très gracieuse structure rappelant le saule par sa manière de se balancer pour résister aux séismes.
Il est étonnant de constater que cette structure, admirable de logique architecturale, existe au Japon depuis plus de mille ans. Des pérégrinations asiatiques montreront que maints styles de tours bouddhiques — en fait des stûpas, ce qu’est également au départ la pagode japonaise à cinq étages — rappellent les pagodes à cinq étages, mais que la ressemblance n’est jamais très grande. Ce qui confirme le fait que ce style unique de pagode à cinq étages fut bien conçu pour et par le Japon éminemment sismique, sur la base d’une science et de techniques indigènes. Les concepts de formulation structurale du continent asiatique se combinèrent très vraisemblablement avec les méthodes de construction en piliers utilisées dans les bâtiments japonais depuis l’antique période Jomon. (Par exemple, les fouilles du site de Sannai Maruyama, Préfecture d’Aomori, ont mis à jour six gros piliers de bois servant, selon toute évidence, à soutenir une bâtisse).
Curieusement, les stratégies structurales des pagodes à cinq étages se retrouvent également dans quelques grands immeubles récent. Les immeubles plus anciens, en pierre, étaient construits solides et inflexibles comme le roc, afin de soutenir les gros séismes, comme le chêne de la fable, en somme. Tandis que les versions récentes sont conçues pour être flexibles, en sorte d’osciller, juste ce qu’il faut, pour nier en quelque sorte les forces sismiques et créer une force de rappel. Comme le saule pleureur, et aussi comme… les pagodes à cinq étages. De gros stratifiés de caoutchouc en couches sont glissés sous les fondations. Un mécanisme amortisseur avec structures en cadres solidarisés intervient pour les piliers, les poutres, murs et tous autres éléments structurels. Tandis que sur les toits sont disposés des réservoirs à demi remplis d'eau afin que la force d’inertie des vagues soulevées par une secousse sismique contrecarre et freine les forces sismiques.
C’est pourquoi des pagodes à cinq étages se dressent aujourd’hui encore dans l’air calme des vieux temples du Japon, attendant de saluer gracieusement les visiteurs. Le temps n’a pu altérer leur beauté, sujet de fascination éternelle, tant pour le voyageur en Extrême-Orient que pour l’autochtone. Dépositaires de sommes de science et de technologie, elles montrent en même temps des voies nouvelles à l’architecture de demain.
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Les “Bols de Christophe Colomb”
Faites une colonne de bols renversés sur un plateau ; secouez celui-ci, ils s’écrouleront (gauche). Mais si vous percez un trou au fond de chaque bol pour y faire passer une baguette, la “tour de bols” devenue à la fois souple et solide restera debout même si l’on secoue un peu le plateau. L’auteur appelle cette solution les “bols de Christophe Colomb” parce qu'elle paraît être l’évidence même… une fois qu’on l’a découverte, bien sûr.
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Figure 3. Coupe transversale de la pagode à cinq étages du Temple Horyu-ji montrant le pilier central
Traversant l’axe central de la pagode, un solide pilier court de la base au sommet. Toutes les pagodes à cinq et trois étages du Japon présentent cette épine dorsale appelée shinbashira. Il est curieux de constater que très peu de tours de bois semblables toujours debout en Chine et en Corée en possèdent une semblable. On estime qu’il s’agit là d’une caractéristique distinctive des anciennes tours en bois au Japon.
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