Construite en 1644, la pagode à cinq étages du Temple Kyoo Gokoku-ji (To-ji) est désormais le symbole de lancienne capitale de Kyoto. Ses 57 mètres en font la plus haute pagode à cinq étages en bois du Japon.
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Le Temple Muro-ji, niché au creux dune vallée de la Préfecture de Nara, sorne lui aussi dune magnifique pagode à cinq étages (hauteur 16 m ; classée Trésor National). On estime son édification à la fin du VIIIe, début du IXe siècle.
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Lon objectera, non sans raison, quun séisme vraiment violent fera sauter une boîte de lempilement et jettera à bas toute la structure. Et cest ici quintervient le cinquième et grand secret, sans doute le plus captivant de tous impliquant un élément structurel qui empêche la catastrophe finale. Imaginons une tour expérimentale de cinq bols empilés à lenvers sur un plateau. Quelques secousses imprimées au plateau feront sécrouler lédifice. Mais si lon perce un orifice au fond de chaque bol pour y faire passer une baguette que lon fixera pour la maintenir verticale, les bols deviennent une tour à la fois souple et solide qui restera debout même si lon secoue le plateau. Quun des bols sécarte un peu trop de côté, il sera retenu, ainsi que les autres, par lépine dorsale de la baguette. Jappelle cela les Bols de Colomb ( en bas), par comparaison avec luf de Colomb qui ne consentit à tenir debout sur une table quaprès quune petite partie de la coquille eut été aplatie à cette extrémité. La baguette verticale maintient ensemble les bols, un peu à la manière dun verrou de fermeture verrouillant une porte, quoique ce dernier est horizontal et non vertical. Le verrou de fermeture est, dans la pagode, le gros pilier central ( shinbashira) sélançant de la base au sommet ( voir Figure 3.). Quune des boîtes tente de sécarter par trop de lalignement, le souple et robuste pilier la renvoie vers son centre.
Au cours dun séisme, le pilier central vacille un peu, tel un pendule pointant vers le ciel, ce qui a pour effet de contrecarrer la force sismique. Mais les pagodes pourraient avoir encore dautres secrets architecturaux à révéler !
Tous ces facteurs stabilisants flexibilité, joints mortaisés, structure en boîtes empilées, stabilisation par verrouillage vertical, force de rappel se combinent finalement en une très gracieuse structure rappelant le saule par sa manière de se balancer pour résister aux séismes.
Il est étonnant de constater que cette structure, admirable de logique architecturale, existe au Japon depuis plus de mille ans. Des pérégrinations asiatiques montreront que maints styles de tours bouddhiques en fait des stûpas, ce quest également au départ la pagode japonaise à cinq étages rappellent les pagodes à cinq étages, mais que la ressemblance nest jamais très grande. Ce qui confirme le fait que ce style unique de pagode à cinq étages fut bien conçu pour et par le Japon éminemment sismique, sur la base dune science et de techniques indigènes. Les concepts de formulation structurale du continent asiatique se combinèrent très vraisemblablement avec les méthodes de construction en piliers utilisées dans les bâtiments japonais depuis lantique période Jomon. (Par exemple, les fouilles du site de Sannai Maruyama, Préfecture dAomori, ont mis à jour six gros piliers de bois servant, selon toute évidence, à soutenir une bâtisse).
Curieusement, les stratégies structurales des pagodes à cinq étages se retrouvent également dans quelques grands immeubles récent. Les immeubles plus anciens, en pierre, étaient construits solides et inflexibles comme le roc, afin de soutenir les gros séismes, comme le chêne de la fable, en somme. Tandis que les versions récentes sont conçues pour être flexibles, en sorte dosciller, juste ce quil faut, pour nier en quelque sorte les forces sismiques et créer une force de rappel. Comme le saule pleureur, et aussi comme
les pagodes à cinq étages. De gros stratifiés de caoutchouc en couches sont glissés sous les fondations. Un mécanisme amortisseur avec structures en cadres solidarisés intervient pour les piliers, les poutres, murs et tous autres éléments structurels. Tandis que sur les toits sont disposés des réservoirs à demi remplis d'eau afin que la force dinertie des vagues soulevées par une secousse sismique contrecarre et freine les forces sismiques.
Cest pourquoi des pagodes à cinq étages se dressent aujourdhui encore dans lair calme des vieux temples du Japon, attendant de saluer gracieusement les visiteurs. Le temps na pu altérer leur beauté, sujet de fascination éternelle, tant pour le voyageur en Extrême-Orient que pour lautochtone. Dépositaires de sommes de science et de technologie, elles montrent en même temps des voies nouvelles à larchitecture de demain. ![](../../../common/images/mark_ni.gif)
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