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NIPPONIA No.27 15 décembre 2003
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Reportage spécial*
Animé — Une culture pop de l’animation au Japon
Le premier dessin animé japonais vit le jour il y a quatre-vingt-dix ans environ et le Japon se retrouve aujourd’hui capitale mondiale de l’«animé» (terme consacré, pour désigner les dessins animés japonais). Par quel processus l’animé s’est-il développé en tant qu’industrie et en tant que culture à part entière, et quelles sont les raisons de son succès dans le mode entier ? Nous parcourrons dans ces pages l’histoire du cinéma d’animation au Japon pour tenter de répondre à ces questions.
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Le phénomène mondial de l’animé : passé et présent
Texte : Yonezawa Yoshihiro
Les dessins animés japonais font fureur dans le monde entier
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Mobile Suit Gundam (Kidosenshi Gundam)
La race humaine habite en divers lieux de l’univers depuis un demi-siècle. Un groupe de cités de l’espace mène une guerre d’indépendance contre le gouvernement de la Fédération terrestre. Le jeune héros, Amuro Ray, parvient à s’assurer le contrôle d’une arme secrète appelée Gundam (ci-dessus) appartenant aux forces de la Fédération. Amuro se trouve alors entraîné dans la guerre. Cette saga décrit en outre les tourments du héros devant les trop lourdes responsabilités pesant sur ses épaules ainsi que devant les doutes sur le bien fondé de la guerre.
Télédiffusé à l’origine de 1979 à 1980.
© SOTSU AGENCY-SUNRISE
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La nomination du Voyage de Chihiro à l’Oscar du meilleur dessin animé long métrage aux 75es Academy Awards – 2003, permit au dessin animé japonais d’acquérir instantanément une renommée mondiale. Avant cela même, universellement diffusés, les animé japonais faisaient déjà la joie des enfants partout dans le monde, bien que la plupart ignoraient qu’il s’agissait là de productions japonaises.
Les animé ont commencé à gagner de l’audience dans le monde entier dès le début des années quatre-vingt-dix. Aux États-Unis, les héros des premiers animé télévisés, tels que Astro Boy (Tetsuwan Atomu, ou Astro, le petit robot) et Speed Racer (Mahha Go Go) ont acquis valeur de symboles. Heidi, fille des Alpes (Heidi) et CandyCandy (Candy) furent diffusés en Europe. On signale même que pratiquement 90 % des Espagnols avaient contracté la douce habitude de regarder Mazinger Z. Des footballeurs professionnels déclarent n’être devenus des fervents du foot qu’après avoir vu Captain Tsubasa (Olive et Tom). L’engouement de Allemands pour Sailor Moon il y a quelques années, entraîna le pays dans un intérêt prodigieux pour d’autres animé encore. En Asie, Doraemon et Dragon Ball (ou Dragon Ball Z) bénéficient apparemment d’une notoriété supérieure aux dessins animés de Walt Disney.
Les animés cyberpunk qui explorent le futur proche — dont Akira (de Otomo Katsuhiro), Ghost in the Shell : Stand Alone Complex (de Shiro Masamune ; ou GITS en abrégé), et aussi Neon Genesis Evangelion — ont posé l’archétype dont l’influence se fait sentir dans des films comme The Matrix. Le film Pocket Monsters (Pokemon), adaptation des jeux vidéo de la veine Pokemon, a créé des remous énormes aux États-Unis où il se range désormais parmi les classiques. Il se produit chaque semaine au Japon de cinquante à soixante nouveaux dessins animés, dont bon nombre sont exportés.
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Animé et manga : une relation interdépendante
Pourquoi les dessins animés sont-ils si populaires au Japon, et pourquoi, surtout, attirent-ils tant d’attention à l’étranger ? Pour répondre à cette question, on ne peut pas ignorer le puissant intérêt dont jouit le manga, ancêtre de l’animé. Autres raisons possibles, le cinéma d’animation touche un large public, et le format de l’animé lui permet de s’adapter facilement aux normes de chaque pays. Il en résulte que l’univers et les personnages de fantaisie du manga et de l’animé japonais sont actuellement largement connus.
En fait, des films d’animation avaient déjà été produits au Japon avant la Deuxième guerre mondiale par des artistes comme Masaoka Kenzo et Seo Taro. Après la guerre, des longs métrages d’animation, à commencer par White Colored Snake de Toei Animation, furent créés pour le cinéma dans la lignée des chefs-d’œuvre de Walt Disney, et réussirent même contre toute attente à être diffusés dans le monde entier ; mais ce fut Astro Boy, dessin animé créé pour la télévision et loin du style Disney, qui posa les grands principes de base de l’animé japonais moderne en accordant une grande importance aux personnages et au scénario.
Tezuka Osamu était un grand admirateur des films d’animation de Walt Disney. Lorsqu’il travaillait sur Astro Boy, il prit le parti de réduire le nombre d’images et d’utiliser plusieurs fois les mêmes scènes. Si cette approche réduisait le mouvement et l’aspect esthétique, elle permettait de mieux se concentrer sur le récit et sur les temps forts dramatiques. Tezuka imagina divers moyens pour réduire les coûts de production afin de pouvoir demeurer en lice et produire continuellement des œuvres nouvelles. C’est ainsi qu’il créa une forme d’art unique en prenant des images immobiles et en leur conférant l’illusion du mouvement, et aussi en multipliant les plans courts.
Astro Boy se révéla un succès fabuleux et ouvrit une ère nouvelle du dessin animé de science-fiction, où verraient le jour par la suite des titres tels que Iron Man 28 (Gigantor) et 8th Man (Eight Man). Il permit également de mettre en place un nouveau modèle commercial de dessin animé télévisé avec le développement de produits dérivés et la création de liens avec des sponsors.
Plus de la moitié des dessins animés produits dans les années soixante tiraient leur inspiration des histoires de mangas. Après le boom de la science-fiction, les dessins animés télévisés ainsi basés sur des récits de mangas se diversifièrent, avec des gros succès, tels que Sally the Witch (Sally, la petite sorcière), pour les filles, Q-taro the Ghost (Obake no Kyu Taro), dont le héros est un fantôme timide, et Star of the Giants, qui expose les tourments métaphysiques d’un jeune joueur de baseball. Les manga à succès étaient donc adaptés en dessins animés pour la télévision, et s’ancrèrent ainsi dans la culture populaire. En même temps, trouvant un large public parmi les jeunes et les moins jeunes, le dessin animé finit par susciter un intérêt accru pour le manga, ce qui propulsa les ventes des livres de bandes dessinées.
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