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NIPPONIA No.27 15 décembre 2003
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Reportage spécial*
À publics plus étendus, productions plus variées
Les animé produits aujourd’hui au Japon tirent leur inspiration de Astro Boy (Astro, le petit robot). Un remake de ce classique est actuellement projeté sur le petit écran. © Tezuka Productions, Mushi Productions
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Au début des années soixante-dix, Nagai Go créa un succès formidable avec Mazinger Z, qui ouvrit aux dessins animés une nouvelle voie triomphale, les robots géants, dont les fabricants de jouets s’emparèrent aussitôt pour créer des figurines dérivées. Ce nouveau genre engendra de nombreuses œuvres originales dont l’inspiration ne résidait pas dans les mangas. Vers le milieu des années soixante-dix, alors que ces thrillers de science-fiction où s’affrontaient des robots géants, étaient produit en série, une œuvre remarquable permit à l’animé de toucher une tranche d’âge plus élevée. Il s’agit de Space Cruiser Yamato (Yamato Star Blaze) d’où jaillit toute une génération de dessins animés. La passion avec laquelle ce film fut dévoré par les ados fut si intense qu’il engendra lui-même une nouvelle déflagration dans l’univers de la science fiction, ouvrit les portes à la publication de magazines de dessins animés et, consécration suprême, attira l’attention des plus âgés vers l’animé. C’est dans cette mouvance que sortit ensuite Mobile Suit Gundam.
Avec dix ans de retard sur les mangas, les animé commencèrent à dépeindre des ados et des jeunes adultes, sur fond d’intrigues compliquées, d’émois juvéniles et de thèmes philosophiques. Les animé tels que Legendary Giant God Ideon, Botomusu et Daguramu, tous de la série Gundam, continuèrent de pilonner ce créneau d’âge jusque dans les années quatre-vingt. Mais en fait, l’âge d’or des œuvres orientées jeunes et non inspirées des mangas toucha à sa fin tout de suite après 1980, et une fois encore ce furent les mangas populaires qui formèrent la base des superproductions animées. Citons entre autres Those Obnoxious Aliens (Lamu), Touch (Théo ou la batte de la victoire), et Kimagure Orange Road (Max et compagnie). Autre succès fracassant, Dr. Slump, contraignit les animateurs à reconsidérer le manga. La tendance se réclamant du manga refaisait surface une fois encore avec Doraemon, un long métrage paru en 1980.
Certaines histoires paraissant dans Shonen Jump, un magazine de BD très populaire déjà à l’époque, se révélèrent de beaux succès de l’animé. Trois surtout sont à citer : Captain Tsubasa (Olive et Tom), Knights of the Zodiac (Les chevaliers du Zodiaque), et Muscleman. D’autre part, des films tels que Akira, de Otomo Katsuhiro, naquirent eux d’un nouveau style de manga. Ensuite, au milieu des années quatre-vingt, tant les mangas que les animé prirent encore de nouvelles formes, contribuant ainsi à élargir toujours leur public en y incluant de nouvelles tranches d’âges. Les multiples possibilités explorées au sein de cette culture populaire attirèrent pêle-mêle, enfants, adolescents des deux sexes, et même les adultes.
Le manga, qui avait été la source d’inspiration de l’animé en premier lieu, commença à se diversifier plus encore et subit diverses transformations de style. La plupart des dessins animés non japonais étaient sains et destinés aux enfants — tout spécialement ceux produits par Disney — ou alors constituaient de l’art expérimental. Les dessins animés japonais quant à eux comportaient des intrigues destinées aux adolescents et aux jeunes adultes, attirant ainsi différents types de publics. Peu enclins à traiter les grands thèmes édifiants et moralisateurs, les animé japonais encourageaient plutôt leur public à découvrir de nouvelles possibilités et à se laisser envoûter dans une sorte de magie. Des œuvres de grande qualité, comme celles d’Otomo Katsuhiro et Shiro Masamune, trouvèrent ainsi une reconnaissance comme art cyberpunk.
Miyazaki Hayao, qui avait déjà créé pas mal de remous avec Lupin III : The Castle of Cagliostro (Le Château de Cagliostro), fut un des animateurs qui hissa l’animé au rang d’un véritable culte avec Nausica of the Valley of Wind (Princesse des étoiles). Oshii Mamoru, autre nom encore, très coté, obtint à peu près les mêmes résultats avec Those Obnoxious Aliens 2 : Beautiful Dreamer (Lamu : Un rêve sans fin). Tout ceci eut pour effet que les amateurs de dessins animés commencèrent à considérer les animateurs comme des célébrités. C’est ainsi que dans les années quatre-vingt-dix, ce double aspect, spectacle et artistique, de l’animé commença à attirer sérieusement l’attention.
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L’évolution continue
Une des directions suivies par le Japon fut de mettre l’accent sur des thèmes adultes, ce qui produisit des dessins animés difficiles à exporter. Les scènes à connotations sexuelles et violentes étaient considérées impropres pour les publics des pays où les dessins animés étaient considérés comme destinés aux enfants. Ainsi, certains films durent être amputés de certaines scènes choquantes, afin de permettre leur projection dans des pays aux normes sévères. D’autres, le plus grand nombre, durent se contenter d’une projection confinée au Japon. Aujourd’hui encore, le cadre de l’« animé ado » n’est toujours pas très bien compris outre-mer, si bien que les films entrant dans cette catégorie ne sont vus que par les véritables amateurs.
Les animé offrent de nombreuses possibilités, en ce sens qu’ils s’expriment dans une langue internationale et véhiculent un récit articulé de façon universellement intelligible. Nombreuses demeurent cependant les œuvres non encore exportées, mais elles attendent leur heure. L’animé a atteint un très haut niveau d’évolution, car il participe d’un univers où tout peut arriver et où tout peut être exprimé sans entrave aucune. Leurs personnages sont fascinants, leurs mondes intérieurs extrêmement complexes, leurs récits d’une grande profondeur, le tout servi par un riche arsenal assurant une prodigieuse puissance d’expression servie par des effets visuels exceptionnels. Autant d’aspects hors pair qui expliquent l’énorme popularité de cet art au Japon. Mais le succès se méritant, l’animé ne pourra continuer à jouir d’une renommée continue que s’il se montre capable de tenir toujours en haleine ses fans, qui entendent vivre des expériences toujours plus nouvelles, toujours plus passionnantes. NIPPONIA
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