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NIPPONIA No.27 15 décembre 2003
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Né en Oregon aux États-Unis. Après avoir été journaliste au Japan Times, il est devenu écrivain et traducteur freelance en 2002.
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En haut : une scène de Shokusai Roman, une émission télévisée de la NHK où les invités goûtent les plats préparés par un chef fameux.
Ci-dessus : de nombreux magazines au Japon consacrent leurs pages à la nourriture. À droite : il suffit quun média vante lexcellence des ramen dun restaurant pour quune queue sy forme à lentrée dès le lendemain. |
Les Japonais peuvent se montrer fanatiques lorsquil sagit de nourriture. Selon une enquête réalisée par lInstitut Hakuhodo détude du mode de vie, la nourriture constitue derrière léconomie le plus important centre dintérêt pour les Japonais, devant la politique et la mode.
À en juger daprès la seule télévision japonaise, peu sen faut de considérer le Japon comme une nation de gloutons, tant les émissions liées à la nourriture sont nombreuses. Il semble que les Japonais ne se contentent pas de manger, mais aiment aussi voir les autres manger, cuisiner ou discuter de nourriture. D'ailleurs, il nest pas rare dentendre dire que le moindre restaurant « passé à la télé » se voit dès le lendemain assailli par une horde de gastronomes avides. Je comprends que lon puisse aimer manger, mais le reste dépasse mon entendement.
Les programmes télévisés parcourent toute la gamme possible, des émissions de cuisine ou de gastronomie aux présentations de restaurants en passant par les concours du plus gros mangeur, tout y passe.
Daprès Nanbu Tetsuhiro, chargé de recherches à lInstitut Hakuhodo sur le mode de vie, les programmes alimentaires ont commencé à devenir populaires dans le courant des années 1980, alors quune grande partie des Japonais a vu son niveau de vie augmenter. Outre quelles conservent un taux daudience exceptionnel, les émissions alimentaires ont vu leur nombre encore augmenter et leur temps dantenne multiplié par sept depuis les dix dernières années.
Tsuchiya Masayuki, producteur de programmes gastronomiques à la NHK, attribue la popularité de ces programmes à leur caractère universel : « La cuisine est liée à la vie même. Les émissions culinaires profitent donc à tout le monde. Il nest personne, quel que soit son âge ou son sexe, qui naime déguster des mets délectables, chacun est concerné. »
Philip Brasor, journaliste spécialiste des médias, note quant à lui que : « Les émissions télé sur la nourriture ne sont pas très chères à produire. »
Lindustrie de la publication et lInternet connaissent la même surabondance. Une très riche gamme de magazines gastronomiques, proposant recettes ou critiques, certains même consacrés aux seules ramen (les soupes de nouilles), garnit les rayons des libraires. « Une des raisons de cette ubiquité de la nourriture dans les médias est sans doute que les Japonais la considèrent dabord sous un aspect esthétique et culturel », précise Brasor.
Selon Tsuchiya : « Les Japonais accordent certainement énormément dimportance au plaisir de contempler les mets ». Les Japonais se donnent beaucoup de mal pour présenter la nourriture de façon à ce quelle soit agréable à lil avant de le devenir au palais, et présenteront par exemple les mets dans des plats de verre si il fait chaud, afin de leur donner un aspect rafraîchissant.
« Dailleurs, me disait un ami, les gens aiment regarder des émissions sur la nourriture pour la même raison quils aiment regarder des émissions de voyages ou des feuilletons. Ils rêvent de manger ce quils ne pourront jamais manger tout comme ils rêvent daller là où ils savent quils ne pourront jamais aller. » Comme le dit le proverbe « Lherbe pousse toujours plus verte dans le jardin du voisin », il semblerait quau Japon, « Le plat du voisin est toujours meilleur que le sien ».
Pourtant en définitive, je ne puis partager cet engouement des Japonais pour la nourriture ni pour la médiatisation alimentaire. Tout ceci nous ramène à la question : « Faut-il manger pour vivre, ou vivre pour manger ? » Personnellement, je penche plutôt pour la première solution, ce qui ne signifie nullement que je naime pas déguster de bons plats.
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