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NIPPONIA No.18 15 Septembre, 2001

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Bon Appétit!

La Culture japonaise en cuisine

Qu’au cari soit le riz!

De l’Inde au Japon, via la Grande-Bretagne

Texte : Kishi Asako, critique gastronomique
Photos : Kono Toshihiko

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Le cari de poulet est le plat le plus populaire au menu de chez Nakamuraya, une des plus anciens restaurants tokyoïtes. On le sert avec des condiments allant des échalotes marinées au chutney de mangue.
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Au Japon, le riz au cari est plus souvent qu’à son tour confectionné dans les familles et les cuisines des écoles. C’est le grand favori de pratiquement tous les palais, et ce probablement parce que le cari se marie tellement joliment avec le riz, qui reste tout de même la nourriture de base du Japon, ne l’oublions pas. Disons tout de suite que le riz au cari a acquis pratiquement le statut de plat national, à l’instar des nouilles ramen .
Cuisiner au cari est né en Inde, c’est bien connu. Vers la fin des années 1700, les Anglais ramenèrent des Indes les mille et une recettes de cari, qui d’Angleterre se répandirent dans le monde entier. Toutes ces recettes furent fort bien accueillies comme façon d’accommoder les viandes : relevées d’une riche sauce au cari, et le riz en accompagnement. La poudre de cari proprement dite fut concoctée et lancée sur le marché anglais au début des années 1800. Mélange des différentes épices indiennes traditionnelles, cette poudre facilite surtout la préparation des plats au cari chez soi.
Lorsque les plats au cari abordèrent au Japon à la fin des années 1800, ils se présentaient comme un avatar de la cuisine britannique. En ces temps-là, un repas de cari était bien sûr un luxe, mais graduellement, ces saveurs nouvelles pénétrèrent les foyers en même temps que les restaurants ordinaires dans les bourgs et les villes. Deux appellations se disputaient la faveur du parler populaire : raisu karee ou karee raisu . La recette du riz au cari, telle qu’on la connaît aujourd’hui est née en 1910, et est demeurée fondamentalement inchangée. Relevée et colorée au cari, la sauce renfermant généralement davantage de légumes que de morceaux de viande, épaissie à la farine, est servie sur le riz et accompagnée de condiments divers (radis daikon marinés et rougis, petits cornichons concassés, mignons petits oignons au vinaigre, pérille de Nankin, etc.).
Avant la guerre, la gent militaire décréta que le riz au cari constituait un repas bien commode, tant pour l’équilibre nutritionnel qu’il apportait, que pour les capacités de la sauce au cari à être cuisinée par bidons entiers, et qui plus était de se conserver longtemps à la chaleur. Le riz au cari ne devint un plat vraiment familial qu’après la seconde guerre mondiale, grâce à une astuce géniale : la mise au point d’un mélange d’épices de cari et de farine qui permettait une cuisson “instantanée”. Cela devint donc un plat qui se préparait en un tournemain puisqu’il suffisait de faire sauter pêle-mêle à la poêle tous les ingrédients que l’on désirait, ajouter de l’eau, laisser mijoter, puis jeter dans tout cela la barre de cari instantané jusqu’à dissolution. Très bon marché, facile à préparer, tout cela permet de comprendre comment il a pu devenir un plat apparaissant avec une telle constance sur toutes les tables familiales du Japon.
Mais le cari n’est pas servi seulement dans les foyers, car on trouve une panoplie de plats au curry également dans le commerce. Pratiquement tous les restaurants le mettent au menu, et certains restaurants faisant dans la nouille ont bien sûr leur karee udon (nouilles de blé au cari) ainsi que du riz avec du cari à base de bouillon de bonite, de même que nombre de boulangeries vendent des karee pan (petits pains farcis à la sauce de cari).
Les restaurants servant des plats aux caris d’Inde, Thaïlande, Indonésie et autres régions du monde, voient leur popularité croître, surtout dans la clientèle jeune. L’un d’eux, à l’enseigne de Nakamuraya, dans le quartier de Shinjuku, est connu pour servir depuis exactement soixante-quatorze ans un excellent cari à la façon indienne. En 1927, son fondateur, Soma Aizo, apprit comment concocter le cari de son gendre, Rash Bihari Bose, un dirigeant du mouvement nationaliste indien alors en exil au Japon.
Le cari de Nakamuraya est épaissi naturellement aux légumes, et non à la farine. Le goût est léger, mais a cependant beaucoup de corps. Il constitue un repas sain parce qu’il utilise une abondante variété d’épices qui sont en même temps des herbes médicinales et, avantage appréciable, on ne s’en lasse jamais, même si on en mange souvent. La preuve : une recette qui tient la route depuis soixante-quatorze ans! NIPONIA
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Ce repas a été préparé par Ninomiya Takeshi, administrateur délégué et grand chef du Restaurant Nakamuraya. Depuis qu’il est dans la maison, cela va faire quarante-neuf ans, il est responsable des menus de cari indien, qui en constituent la glorieuse spécialité. Il lui arrive fréquemment de présenter les cuisines à base de cari à la télévision et dans les magazines de gourmets.
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