Irrésistible fumet échappé dun
bol de soupe miso, bouquet plein de corps fusant dune marmite
frémissant à petits bouillons... Les arômes
et les saveurs capiteuses de la cuisine japonaise font de chaque
plat un réel plaisir, et le plus curieux cest quils
ont souvent le katsuo-bushi pour dénominateur sapide.
Un promeneur non averti qui rencontrait un bloc de Katsuo-bushi
abandonné serait tenté de lenvoyer valser dun
coup de pied, tant son aspect ressemble à un vieux morceau
de bois. Attention! car il sagit dun pain de bonite
séchée, le sacro-saint condiment sans lequel les meilleurs
cuisiniers japonais rendraient leur toque. Ils lutilisent
abondamment dans la constitution des subtils bouillons pour la soupe
de miso, pour trousser un ragoût, monter une sauce de tempura
ou préparer une savoureuse trempette pour les nouilles, et
bien dautres tours de main encore.
Chaque printemps, les bancs de bonites migrent au Nord et restent
au large des côtes nipponnes jusquà lautomne.
Lorsquelles se manifestent dans leurs eaux, les pêcheurs
ont coutume de dire quelles ramènent les premiers beaux
jours dété avec elles.
Les bonites sont bouillies entières puis, fendues en deux,
on les dépouille de leur peau et des arêtes. Les bons
morceaux sont fumés, séchés au soleil, puis
fumés et séchés une nouvelle fois, et ainsi
à plusieurs reprises. Ce processus de séchage se poursuivra
pendant six mois jusquà obtenir ces blocs de katsuo-bushi
durs comme le bois que lon voit sur la photo. La fine couche
de poudre brune duvetant la surface est la moisissure qui intervient
dans le processus de fermentation.
On lavera à leau cette moisissure avant lutilisation
de la pièce, qui consiste dabord à en détacher
de minces feuilles, comme des feuilles de papier à cigarette,
à laide dun rabot spécial monté
à lenvers du couvercle de la boîte dans laquelle
on conserve la pièce de bonite. Il y a vingt ans encore,
toute famille japonaise serrait dans sa cuisine cette boîte
avec son couvercle-rabot. Hélas! aujourdhui, la plupart
des ménagères trouvent plus pratique dacheter
de petits sachets de flocons de katsuo-bushi prérabotés.
Donc ces feuilles, ou ces flocons, peuvent être, soit bouillis
dans leau pour confectionner un bouillon, avec ajout dautres
condiments, soit saupoudrés directement sur le mets. Ce poison
séché donne au bouillon un arôme dune
grande délicatesse qui caractérise demblée
la saveur unique et incomparable dune cuisine japonaise. Disons
quil se vend actuellement des boîtes de sachets de poudre
quil suffit de verser dans leau bouillante, comme du
café soluble, pour obtenir un bouillon instantané
dun usage tellement répandu et commode que beaucoup
de jeunes, sils connaissent le nom de katsuo-bushi, nont
même jamais vu un bloc de bonite séchée.
Heureusement, il existe encore assez de gens sages pour prétendre,
avec raison dailleurs, que seules les râpures fraîchement
rabotées de katsuo-bushi sont capables de conférer
goût et arôme à la cuisine. Voici dailleurs
comment Chikaishi Kazuhiko, chef dun restaurant japonais prestigieux
appelé Aoyagi, voit les choses : La bonite séchée
est le cur et lâme de la cuisine japonaise! Quand
on forme un jeune cuistot, la première chose quon lui
montre, cest de raboter et duser correctement de ce
condiment.
Il est difficile dimaginer la nourriture japonaise sans katsuo-bushi.
Les fins et odorants copeaux de bonite séchée ajoutent
quelque chose de très particulier aux repas, chaque jour,
et à travers tout lArchipel.![](../../../common/images/mark_ni.gif)
|