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NIPPONIA No.17 15 juin, 2001

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Qu’est-ce que c’est ? Katsuo-bushi

Un bloc de bonite séchée : clé de voûte de l’édifice des saveurs culinaires japonaises

Texte : Furui Asako   
Photos : Omori Hiroyuki
Collaboration : Akiyama Shoten
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Irrésistible fumet échappé d’un bol de soupe miso, bouquet plein de corps fusant d’une marmite frémissant à petits bouillons... Les arômes et les saveurs capiteuses de la cuisine japonaise font de chaque plat un réel plaisir, et le plus curieux c’est qu’ils ont souvent le katsuo-bushi pour dénominateur sapide.
Un promeneur non averti qui rencontrait un bloc de Katsuo-bushi abandonné serait tenté de l’envoyer valser d’un coup de pied, tant son aspect ressemble à un vieux morceau de bois. Attention! car il s’agit d’un pain de bonite séchée, le sacro-saint condiment sans lequel les meilleurs cuisiniers japonais rendraient leur toque. Ils l’utilisent abondamment dans la constitution des subtils bouillons pour la soupe de miso, pour trousser un ragoût, monter une sauce de tempura ou préparer une savoureuse trempette pour les nouilles, et bien d’autres tours de main encore.
Chaque printemps, les bancs de bonites migrent au Nord et restent au large des côtes nipponnes jusqu’à l’automne. Lorsqu’elles se manifestent dans leurs eaux, les pêcheurs ont coutume de dire qu’elles ramènent les premiers beaux jours d’été avec elles.
Les bonites sont bouillies entières puis, fendues en deux, on les dépouille de leur peau et des arêtes. Les bons morceaux sont fumés, séchés au soleil, puis fumés et séchés une nouvelle fois, et ainsi à plusieurs reprises. Ce processus de séchage se poursuivra pendant six mois jusqu’à obtenir ces blocs de katsuo-bushi durs comme le bois que l’on voit sur la photo. La fine couche de poudre brune duvetant la surface est la moisissure qui intervient dans le processus de fermentation.
On lavera à l’eau cette moisissure avant l’utilisation de la pièce, qui consiste d’abord à en détacher de minces feuilles, comme des feuilles de papier à cigarette, à l’aide d’un rabot spécial monté à l’envers du couvercle de la boîte dans laquelle on conserve la pièce de bonite. Il y a vingt ans encore, toute famille japonaise serrait dans sa cuisine cette boîte avec son couvercle-rabot. Hélas! aujourd’hui, la plupart des ménagères trouvent plus pratique d’acheter de petits sachets de flocons de katsuo-bushi prérabotés.
Donc ces feuilles, ou ces flocons, peuvent être, soit bouillis dans l’eau pour confectionner un bouillon, avec ajout d’autres condiments, soit saupoudrés directement sur le mets. Ce poison séché donne au bouillon un arôme d’une grande délicatesse qui caractérise d’emblée la saveur unique et incomparable d’une cuisine japonaise. Disons qu’il se vend actuellement des boîtes de sachets de poudre qu’il suffit de verser dans l’eau bouillante, comme du café soluble, pour obtenir un bouillon instantané d’un usage tellement répandu et commode que beaucoup de jeunes, s’ils connaissent le nom de katsuo-bushi, n’ont même jamais vu un bloc de bonite séchée.
Heureusement, il existe encore assez de gens sages pour prétendre, avec raison d’ailleurs, que seules les râpures fraîchement rabotées de katsuo-bushi sont capables de conférer goût et arôme à la cuisine. Voici d’ailleurs comment Chikaishi Kazuhiko, chef d’un restaurant japonais prestigieux appelé Aoyagi, voit les choses : “La bonite séchée est le cœur et l’âme de la cuisine japonaise! Quand on forme un jeune cuistot, la première chose qu’on lui montre, c’est de raboter et d’user correctement de ce condiment.”
Il est difficile d’imaginer la nourriture japonaise sans katsuo-bushi. Les fins et odorants copeaux de bonite séchée ajoutent quelque chose de très particulier aux repas, chaque jour, et à travers tout l’Archipel.

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Le katsuo-bushi se nettoie à l’eau avant usage, puis on en détache de minces copeaux à l’aide du rabot prévu à cet effet dans le couvercle renversé de sa boîte.
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Les copeaux ainsi obtenus, appelés kezuri-bushi, serviront à aromatiser le bouillon ou seront déposés directement sur un plat préparé.
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Laisser neiger les copeaux dans l’eau bouillante, puis filtrer le bouillon dans un linge. Même un chef accompli peut se sentir nerveux lorsqu’il s’agit de déterminer la température idéale et le moment opportun pour retirer son kezuri-bushi.
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(4)
Chikaishi Kazuhiko est sans conteste passé maître dans l’art de confectionner des bouillons succulents à partir du katsuo-bushi.
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