Lengouement de gourmets ou dexcentriques
était largement dépassé, car on se trouvait
devant un véritable phénomène social. Tout
le Japon se mit à la recherche du restaurant servant le bol
de ramen qui tendrait vers la perfection en la matière. Une
nouvelle et fervente quête du Graal, en somme.
Le prodigieux essor du ramen sest
un peu tassé depuis, bien quà laube de
ce siècle nouveau sa popularité naccuse nul
déclin notable. Chaque restaurant de spécialités
pousse à sa manière sa quête de raffinement,
que ce soit par une sélection draconienne de la nouille la
plus idoine aux canons de lorthodoxie, ou par des secrets
dalchimistes pour la conconction des bouillons, les
assaisonnements ou les garnitures. Il sagissait de capter
lattention des gens aux papilles gustatives hyper-développées
par des théories gastronomiques follement élaborées.
Témoin le célèbre film Tampopo
du regretté cinéaste Itami Juzo, dans lequel la confection
du ramen relevait dune démarche dontologie phénoménologique.
Il en résulta de nombreux restaurants de ramen, dont à
Paris, baptisés du nom du film, à lenseigne
du Tampopo (Pissenlit). La concurrence est à
couteaux tirés, les patrons de restaurants élus parles
gastrophilosophes faiseurs de pluie et beau temps au palais, trépignent
dans lallégresse à la vue des queues interminables
devant leurs établissements. Les mordus de la nouille essaient
tous les nouveaux restaurants qui souvrent, dégorgent
de doctes pages de critiques, décernent toques et étoiles,
ou fulminent lanathème sur la médiocrité,
et publient le tout sur le Web. Cest ainsi que la vogue du
ramen a réussi à saccrocher aux tendances modernes.
Lancé à Sapporo, extrême Nord du Japon, le boom
se propagea aux cités de lArchipel, chacune imprimant
son nom à la version locale : Hakata, Kagoshima, Kumamoto,
Hiroshima, Wakayama, Kitakata, et dautres encore.
Nous présenterons ici la variété dite du Kanto
(Tokyo et ses régions limitrophes) concoctée dans
un restaurant appelé Pepe. Ici la nouille, relativement
mince, et le bouillon clairet, assaisonné à la sauce
de soja, méritent dêtre retenus, nétant
ni gras ni salés, pour leur accession au raffinement du consommé,
en somme.
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