Web Japan > Les tendances au Japon > Tech & vie > « Patrimoine Culturel Cloné » - Chefs-d’œuvre et tableaux célèbres à la portée de vos doigts
Une technologie jusqu’ici seulement imaginable en rêve vient d’être mise au point : nous sommes désormais en mesure de « ressusciter » ces œuvres perdues au fil de l’histoire, et d’exposer ce patrimoine de valeur généralement confiné sous haute sécurité à la vue et au toucher de tous.
Reproduction 3D d’une des célèbres peintures à l’huile de la série “La Tour de Babel”, par Pieter Brueghel l'Ancien (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
Reproduction rendue possible à partir d’une simple pellicule photo
Grâce à un savoir-faire et des technologies de pointes, l’Université des Arts de Tokyo est parvenue à développer un dispositif dernier cri permettant de reproduire des œuvres d’art à l’identique de leurs originaux – composition, irrégularités, et touche de l’artiste comprises – et ce à partir d’une simple photo, quand bien même l’œuvre originale n’existerait plus. Cette technologie, qui tire son nom de sa finalité même, « Patrimoine Culturel Cloné », attire l’attention des quatre coins du globe, pour son potentiel révolutionnaire en matière de conservation du patrimoine culturel dans l’avenir.
Jusqu’ici, le simple désir même de vouloir rendre le patrimoine artistique accessible au public tout en le préservant était contradictoire, et représentait un défi majeur. Le patrimoine culturel étant propriété de l’humanité, il est important qu’il soit exposé au public et promut au-delà des frontières. Ce faisant, et malgré toutes les précautions prises, on court néanmoins le risque que les conditions de transport, les dispositifs d’éclairage ou encore la qualité de l’air ne dégradent ces œuvres d’art – et tout particulièrement pour ce qui est des pièces exposées en extérieur, à la merci de tous types d’intempéries (vents, pluies, UV), ainsi que d’actes de vandalisme, terrorisme, etc.
« Patrimoine Culturel Cloné », technologie ayant pour principal intérêt qu’elle permet de produire des clones de même texture et composition que leurs originaux, est le fruit d’une initiative de R&D pour remédier à ce paradoxe : en associant des techniques de reproduction analogique traditionnelles à des technologies numériques de pointe telles que la photographie HD et l’impression 2D & 3D, cette nouvelle technologie de clonage permet de restaurer tous types d’œuvres d’art. Récemment brevetée par l’Université à l’initiative de son développement, cette nouvelle technologie a atteint aujourd’hui un niveau de perfection considérable.
Reproduction de la fresque plafonnière des Bouddhas de Bâmiyân
Les premiers travaux de restauration ont été entreprisen Afghanistan, sur la fresque plafonnière des Bouddhas de Bâmiyân qui avait été sauvagement détruite lors de la guerre, à partir d’une photographie prise par une équipe de recherche japonaise avant les conflits. Après avoir converti l’ensemble des données graphiques de la photographie au format numérique, et ajusté l’ensemble des paramètres de couleur, l’image, copie conforme de l’original dans ses moindres détails, a été imprimée sur « washi » -papier japonais à la fibre résistante – puis appliquée sur un mur de pierre. A partir des données extraites d’une photographie numérique en 3D, les tonalités des couleurs peuvent être paramétrées de manière si précise qu’il est possible de reconstituer la moindre petite déformation de la paroi :ce dispositif de traitement numérique de l’image joue un rôle essentiel dans ce travail de restauration, et sans lui, il serait impossible de reproduire de la texture de l’original avec exactitude.
① Fresque plafonnière des Bouddhas de Bâmiyân, photographiée dans les années 1970 (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
② Traitement numérique des données graphiques extraites de la photographie, paramétrage des couleurs, puis impression sur papier « washi » extra-fin (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
③ Couleurs de la fresque des Bouddhas de Bâmiyân restaurées à environ 60% (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
④ Travail de restauration provisoire datant de 2016 (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
Le « Patrimoine Culturel Cloné » des œuvres Ukiyo-e de la collection Spaulding, conservées au Musée des Beaux-Arts de Boston, est lui aussi impressionnant. De nombreuses représentations Ukiyo-e ont été cédées par le passé, à la condition qu’elles ne soient jamais exposées au public, ce qui avait permis jusqu’à aujourd’hui de les garder intactes. Grâce à cette nouvelle technologie de restauration, ces représentations Ukiyo-e ont pu être reproduites à la perfection sans aucun risque de dégradation des originaux, et sont désormais accessibles au public : on peut dorénavant admirer ces reproductionsaux couleurs aussi vives que leurs originaux, eux aussi imprimés sur papier « washi » il y a plusieurs centaines d’années. La « Jeune Fille à la perle », peinture à l'huile sur toile réalisée par Johannes Vermeer, a elle-aussi été reproduite de manière admirable, jusqu’au plus petit détail dans la superposition des couches de peinture et des coups de pinceau de l’artiste.
« Patrimoine Culturel Cloné » des Ukiyo-e de la collection Spaulding, Musée des Beaux-Arts de Boston (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
« Patrimoine Culturel Cloné » (de gauche à droite) : Le « Fifre » de Manet, « L’Église d’Auvers-sur-Oise » & « Autoportrait » de Van Gogh, et la « Jeune Fille à la perle » de Vermeer (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
Le « Fifre » de Manet version 3D
La technologie de photographie en 3D permet de rassembler des données d’objets en 3D telles que des sculptures ou des statues Bouddhistes, par exemple, sans avoir à les toucher, rendant donc possible la restauration d’œuvres de notre patrimoine culturel sans aucun risque de les dégrader. A partir des données collectées de manière numérique, un moule est créé, puis utilisé pour reconstituer la statue ; enfin, la touche finale consiste à reproduire, sur la statue, les couleurs de l’original dans leurs moindre nuances, tonalités et conditions.
① Prises de vue photographique utilisées pour le« Patrimoine Culturel Cloné » de la Triade de Shaka du Temple Hōryū-ji (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
② Impression 3D effectuée à partir de données extraites des photographies. (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
③ Reproduction de la Triade de Shaka du Temple Hōryū-ji fondue dans un moule conçupar impression 3D, puis peinte sur le modèle de l’original (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
④ Reproduction de la Triade de Shaka du Temple Hōryū-ji achevée (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
L’un des grands avantages de la technologie de « Patrimoine Culturel Cloné » est qu’elle permet non seulement de reconstituer une œuvre dans l’état actuel de son original, mais aussi de remonter le fil du temps pour la reconstituer dans son état initial. Si l’on reproduit ces œuvres dans la même peinture et le même papier qu’autrefois, on leur rend leur condition initiale, d’avant que leurs couleurs ne s’estompent au fil du temps ; on peut ré-admirer des fresques ayant souffert des effets d’années d’intempéries, telles qu’elles étaient aux premiers jours de leur création. Et il en va de même pour tous types d’œuvres d’art (peintures, sculptures, statues, etc.).
Après impression, on rend aux œuvres leurs couleurs originales grâce à des techniques de reproduction analogique (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
Cette technologie révolutionnaire permet par ailleurs de produire de nouvelles créations à partir d’originaux, telle qu’une mise en abime de dos de l’ « Autoportrait » de Van Gogh, une vidéo en 3D projetée en hologramme de « La Tour de Babel » de Brueghel l'Ancien, ou encore une statue en 3D conçue à partir du « Fifre » de Manet. Bientôt, nous devrions même pouvoir faire siffloter à la statue du « Fifre » de Manetun petit air de flûte ; faire se dégager un doux arôme fruité d’une nature morte représentant une coupe de fruit, ou encoredes effluves enivrantes du parfum d’une beauté d’un tableau Ukiyo-e.
Statue en 3D conçue à partir du « fifre » de Manet (avec l'aimable autorisation de l’Université des Arts de Tokyo)
La reproduction, procédé bien souvent considéré comme de la contrefaçon, prend dorénavant une nouvelle dimension, bien en phase avec l’usage que l’on veut en faire : la technologie de « Patrimoine Culturel Cloné » promet de considérables apports aux secteurs de l’éducation, du tourisme, de la diplomatie, et devrait activement contribuer à développer les échanges et le partage du patrimoine artistique à l’avenir.