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NIPPONIA No.32 15 mars, 2005
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Bon Appétit!

La culture japonaise en cuisine

Cuisine japonaise :
fête des pupilles, fête des papilles

Texte : Otani Hiromi, critique gastronomique, Photos : Ito Chiharu

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Plat (à l’avant-plan, droite) : Kumiage-yuba, simple amuse-bouche (saki-zuke) dans un petit bol à couvercle appelé mugiwarade kobuta-mono.
Plateau (à l’avant-plan, gauche) : Daurade, et calmar avec sauce d’oursin (muko-zuke de sashimi) ; le plat est un kuro-oribe muko-zuke.
Plat (au centre arrière) : Petit sashimi de thon à la surface légèrement grillée (muko-zuke ni-shume) ; le plat est un yukimochi-matsu muko-zuke.
Boîte (arrière droite) : Trois types de d’amuse-bouche assez élaborés (hassun) : Fleurs de colza en vinaigrette moutardée ; petites bouchées de sushi de saumon agencées en fleurs de camélia ; foies de baudroie marinés en saké puis étuvés ; la boîte elle-même s’appelle kamogawa ko-bako, quant au plat, c’est un enogu-zara chinmi-ire.
Plat (arrière gauche) : Thazard tacheté (Scombremorus maculatus/nipponicus) grillé en chemise de (feuille de) magnolia, petites palourdes grillées aux cerneaux caramélisés — un fruit de mer grillé (yaki-mono). Le plat est une céramique Shino.
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L’on sert généralement aux invités d’une réunion de thé de bonne tenue un élégant repas appelé kaiseki, dont l’ordonnancement continue d’influencer les habitudes de table et les menus de la cuisine japonaise traditionnelle. Il est tout à fait courant que viennent accoster devant chaque convive d’un dîner formel, une flottille de six à neuf plats, raviers et bols, tous différents. Le repas terminé, friandises japonaises et thé vert feront leur apparition.
L’usage commande ainsi qu’une simple entrée (saki-zuke) se présente en premier, suivie d’amuse-bouche plus travaillés (hassun) et très artistement disposés sur un plat. Vient ensuite le plat muko-zuke, probablement un sashimi (tranches de poisson cru), qui sera suivi d’un plat de poisson grillé, et d’un bol contenant une mitonnade de quelque mets dans un bouillon.
Plats et bols sont généralement des céramiques de formats et formes variés, bien qu’il arrive parfois de voir apparaître des verres et des laques. Mais toujours, tous auront été choisis, soit pour s’harmoniser, soit pour contraster avec la couleur et la texture de la bouchée alimentaire proposée, ou encore pour faire ressortir la température de service, chaud ou froide, de celle-ci. Inutile de dire que le chef est seul maître à bord et qu’il donne libre cours à sa fantaisie, sinon à son génie.
Murata Yoshihiro propose des nourritures japonaises traditionnelles dans ses deux restaurants à l’enseigne de Kikunoi (l’un à Kyoto, l’autre à Tokyo). Mais écoutons-le : « Le repas se doit d’être aisément mangeable avec les baguettes, donc nous découpons les mets comme le sashimi, en petites bouchées, avant de servir. Comme il est essentiel que les bouchées soient agréablement agencées sur le plat individuel, le plat devra avoir la dimension à l’avenant de la quantité de nourriture choisie.
« Bols et plats sont toujours conçus avec leur utilisateur en tête. Par exemple, la dimension d’un bol varie légèrement en fonction du genre du commensal. Ce qui pourrait être un trait unique au Japon. Le riz, nourriture de base, se présente toujours dans un bol, dont le diamètre est traditionnellement arrêté à 12 cm pour l’homme et 11,5 cm pour la femme. Ce faisant, il se love plus commodément dans la main supposée plus menue de la femme. »
Le Japonais prend ses repas assis sur le tatami devant une table basse. En raison de la distance séparant la nourriture de la bouche, il était plus commode de tenir un petit bol ou un petit plat d’une main et de picorer des bouchées à partir de cette base mobile. La coutume d’utiliser la main de cette manière s’étant répandue, logiquement, une vaisselle de petite taille sera plus facilement manipulée.
Fondamentalement, l’on distingue deux types de céramiques : la poterie et la porcelaine. La porcelaine est lisse et fraîche au toucher, ce qui la rend plus indiquée pour l’été. La poterie, par contre, crée une atmosphère plus chaude convenant davantage aux repas d’hiver.
Vous pourriez vous demander qu’est-ce que qui pousse les Japonais à recourir à une escadre de récipients aussi divers que nombreux pour présenter leur cuisine. La réponse gît dans une combinaison de coutumes : l’utilisation de baguettes, le fait de prendre un bol dans la main, et puis aussi de laisser les saisons dicter les choix. La mystique de la céramique et de la porcelaine a développé des gammes de vaisselles étonnamment variées pour servir ces coutumes.
La première joie qui saisit le client en franchissant le rideau noren de l’entrée d’un restaurant japonais est anticipative : il imagine déjà le style et la décoration des plats, bols et raviers qui vont lui être présentés tout à l’heure. Et lorsqu’arrive la nourriture, quelle joie de s’extasier devant l’artistique ordonnance des portions de nourriture disposées sur de jolies céramiques, d’échanger quelques commentaires approbateurs avant de saisir les baguettes et enfin se restaurer. NIPONIA
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Vaisselle : une profusion de formes et formats pour les grandes occasions
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En sens horaire en partant du petit bol à couvercle de l’avant-plan : Mugiwarade kobuta-mono pour un amuse-bouche simple (saki-zuke) ; muko-zuke et kenzan-utsushi yukimochi-matsu muko-zuke, tous deux servant principalement à la présentation du sashimi ; yukiwa futamono en céramique kyo pour les délicatesses étuvées ou bouillies ; tsutae yakishime-zara, généralement utilisées par chaque convive pour y déposer un mets puisé à même un plat commun ; petit ravier fukura-suzume ko-zara pour les assaisonnements ; kigochi-zara pour le mets puisé dans un plat commun ; enogu-zara chinmi-ire pour les amuse-bouche ; gosu akae-utsushi ko-muko pour les petites portions et fruits de mer crus ; ki-seto kaku-zara pour les grillades ; cuillère façonnée en pétale de lotus.
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Murata Yoshihiro est l’heureux propriétaire de deux restaurants de spécialités de la cuisine Kyo (de Kyoto), à l’enseigne de Kikunoi, qu’il dirige lui-même. Il est également très actif dans la promotion de l’authentique cuisine japonaise au Japon et à l’étranger.
Nous lui avons donc demandé de préparer les mets et de choisir les vaisselles pour cet article.
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