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NIPPONIA No.23 15 décembre 2002
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Bon Appétit!

La Culture japonaise en cuisine

Zoni

Une soupe de Nouvel An pour toute la famille

Texte : Kishi Asako, critique gastronomique
Photos : Kono Toshihiko

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À gauche en bas : le mochi, gâteau de riz rectangulaire, et les autres ingrédients dans une soupe claire, une recette du Japon de l’Est. À droite : Un mochi rond dans une soupe de miso blanc, dans le Japon de l’Ouest.
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La soupe zoni renferme des ingrédients tels que poulet, poisson et légumes, plus le mochi (gâteaux de riz). Il ne faut pas espérer traverser les fêtes de Nouvel An au Japon sans manger le zoni. Cette tradition culinaire remonte, semble-t-il, au milieu du XVe siècle, à la coutume, très économique, de consommer le matin du jour de l’An (Gantan, actuellement le 1er janvier) les mochi offerts aux divinités et au Bouddha la veille du Nouvel An (Omisoka, aujourd’hui, le 31 décembre). C’est une tradition importante dans la vie japonaise.
Le mot zoni s’écrit avec deux caractères ; l’un zo signifie “mélange hétéroclite,” l’autre, ni signifie “bouilli.” Donc zoni signifie littéralement “bouillon hétéroclite.” Chaque région possède sa propre recette, mais où que l’on se rende, tous les ingrédients sont éminemment nourrissants et digestes.
Pratiquement toutes les recettes du Japon de l’Est utilisent des pièces de mochi rectangulaires, préalablement grillées jusqu’à prendre des teintes brunâtres. Presque toutes les recettes incluront également un légume feuillu tel que le komatsuna, du poulet, et du kamaboko (gâteau de pâte de poisson). La soupe est généralement claire, relevée de sauce de soja et de sel.
Dans le Japon de l’Ouest, par contre, l’on fait bouillir de petites boulettes rondes de mochi avant de les placer au fond du bol et d’y verser ensuite la soupe. Les ingrédients sont généralement quelque plante potagère verte, du poulet et un gros taro pelé, servi d’une pièce ou débité en rondelles. À Kyôto, Osaka et la région circonvoisine, cette soupe reçoit généralement une base de miso blanc, mais la soupe s’éclaircira à nouveau à mesure que l’on poussera plus à l’Ouest.
Dans beaucoup de coins du Japon, l’on trouve cependant des gens qui n’utiliseront jamais de poulet, mais volontiers un poisson, comme la sériole (Seriola quinqueradiata) salée ou les œufs de saumon. Et certains même préféreront un mochi rondelet farci de pâte de fèves rouges sucrée.
Assaisonnement et ingrédients diffèrent donc suivant les régions. Et il est amusant d’inférer le “pays” d’origine d’un Japonais en l’entendant décrire avec émotion le zoni que sa maman lui préparait enfant. Le Nouvel An est un temps fort de la vie familiale. C’est alors que tout le monde se rassemble, se visite, pour se souhaiter santé, bonheur et prospérité dans l’année à venir. Il n’est donc pas surprenant que chaque région, et l’on pourrait même dire chaque famille, est très sourcilleuse sur la nature des ingrédients qu’elle entend mettre dans sa soupe de Nouvel An.
Dans d’autres régions, le mochi et les autres ingrédients sont mis à mitonner ensemble. Personnellement, je préfère les cuire séparément pour éviter que l’amertume des légumes n’aille envahir le bouillon, ou que la chair du poulet ou du poisson n’aille imprégner et gâter la soupe par son fumet trop robuste. Si vous utilisez du poulet, découpez-le en tranches fines, que vous saupoudrerez légèrement d’amidon de pomme de terre avant de les ébouillanter très rapidement. Cette opération a pour but de faire pénétrer le goût du poulet à l’intérieur de la chair et de conserver à la soupe sa limpidité.
Au Nouvel An, nous utilisons souvent du kamaboko rouge et blanc, car au Japon ces deux couleurs symboles contribuent puissamment à rehausser l’ambiance festive. Certains choisiront de laisser au légume komatsuna ses petites racines, pour signifier par là le souhait d’avoir une nombreuse descendance (la famille pousse ses racines dans la terre). Une fois terminée la préparation de tous les ingrédients séparés, vous pourrez les réserver au réfrigérateur dans un récipient en plastique hermétique. Vous pourrez alors confectionner votre zoni dès que vous le voudrez.
Dans certaines parties de la région du Tohoku (nord du Honshu), il est d’usage courant de confectionner une soupe appelée noppei-jiru, et de la réserver pour la préparation ultérieure du zoni. Les ingrédients bouillis dans la soupe peuvent être une julienne de carottes, gobo (bardane), radis daikon, konnyaku (konjak), taro, champignons shiitake et poulet. Le jour de l’an, lorsque vient le moment de passer à table, les mochi sont alors placés dans la soupe, préparée la veille, et le tout est mis à mitonner quelque temps. NIPONIA
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Ces bols de zoni ont été préparés par Koyama Hirohisa, patron d’un restaurant japonais de tout premier ordre, le Aoyagi. Une des grandes toques du Japon, il a fondé l’Académie Culinaire Heisei. Koyama est également très actif sur la scène culinaire internationale, donnant des leçons de cuisine japonaise dans les grands hôtels de plusieurs pays, de même que dans une prestigieuse école de cuisine française de Paris.
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