Reportage spécial“Japon, le Pays de l’Or”, mythe ou réalité?
En 1397, Ashikaga Yoshimitsu, le shogun de Muromachi, fit construire le Temple du Pavillon d’Or dans la capitale japonaise, Kyoto. Le pavillon à trois niveaux était persque entièrement recouvert de feuilles d’or scintillantes, ce qui en faisait non seulement un bâtiment bouddhique splendide, mais aussi un symbole du Japon en tant que pays de l’or. Le pavillon était en effet également conçu comme lieu de réception pour les ambassades du nouvel empire chinois Ming. L’opération séduction fut sans doute couronnée de succès, puisque la Chine des Ming accorda rapidement à Yoshimitsu des droits d’échanges commerciaux. Mais en fait, les échanges comportèrent peu d’or – la plupart des produits exportés du Japon se composaient de produits artisanaux certes décorés d’or, mais en petites quantités (laques illustrées, paravents ou encore éventails) , ainsi que des sabres, du cuivre et du soufre.
Lorsque les Portugais mirent le pied au Japon au milieu des années 1500, il ne restait que fort peu d’or dans la région d’Oshu. En revanche, le Japon était d’ores et déjà devenu l’un des plus gros producteurs mondiaux d’argent, extrait pour la plupart des mines d’Iwami Ginzan et Ikuno Ginzan. Certaines études calculent que la part japonaise constituait pas moins du tiers de la production mondiale d’argent. L’Archipel fut bientôt connu comme les Islas Platareas (les Iles d’Argent), à telle enseigne que le Japon employa une partie de cet argent pour racheter l’or de la Chine des Ming ! Les Portugais et les autres se sont sans doute longtemps demandé où, diantre, était passé tout l’or de “Zipangu.”
Dans la seconde partie du XVIe siècle, une autre légende circulait parmi les marins portugais : Un vaisseau portugais aurait accosté une île regorgeant d’or et d’argent, quelque part dans l’océan Pacifique au nord du Japon. C’était, somme toute, une nouvelle mouture des vieilles légendes à propos du Japon, l’archipel doré. Les galions espagnols de Manille qui empruntaient la route commerciale entre Manille aux Philippines et Acapulco au Mexique suivaient le courant océanique Kuroshio qui longeait le Japon en direction du nord, et les équipages ouvraient grand les yeux pour découvrir les fameuses îles d’or et d’argent. Le roi d’Espagne ordonna même une expédition à la recherche de ces terres, entreprise menée entre 1611 et 1613 par un navigateur nommé Sebastián Vizcaíno, mais en vain.
En 1643, Maerten Gerritsz de Vries, navigateur hollandais au service de la Compagnie des Indes Orientales, continua ces recherches à bord de son navire, le Castricum. Il commença à ouvrir des voies d’échanges avec les Tartares d’Asie orientale. Il entendit dire qu’il y avait de l’or et de l’argent sur l’île d’Ezo (Hokkaido), et prétendit qu’il était possible d’y exploiter des mines. Le gouverneur général des Indes Orientales Néerlandaises à Batavia était favorable à la continuation des recherches, mais la chute de la dynastie chinoise Ming en 1644 interrompit la ruée vers l’or en Ezo.
Il fallut attendre deux siècles et demi pour qu’en 1898 de grandes quantités d’or soient bel et bien découvertes à Hokkaido, dans la rivière Horobetsu et ses affluents, non loin de la Mer d’Okhotsk. Durant les cinq années qui suivirent, 1 875 kg d’or environ furent extraits de l’eau. Si, à son époque, la Compagnie des Indes avait continué avec succès ses recherches, il en aurait probablement résulté une nouvelle jeunesse pour la légende de Zipangu, l’île de l’or.
Rouleau illustré décrivant la cérémonie d’ouverture des yeux du Bouddha au Temple Todai-ji à Nara. Même le piédestal du grand Bouddha (milieu de la photo) est couleur d’or scintillant. (Propriété du Temple Todai-ji ; crédit photographique : Musée National de Nara)