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NIPPONIA No.30 15 septembre, 2004
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Bon Appétit!

La culture japonaise en cuisine

Yudofu

Cuisine de Kyoto authentique et facile

Texte : Otani Hiromi, critique gastronomique
Photos : Omori Hiroyuki, Takeda Norihisa

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Le yudofu servi à Seizansodo vient en petits cubes de tofu très blancs et doux. Avant d’être portées à la bouche, les pièces de tofu sont tirées de la grande casserole de terre et trempées dans une sauce subtilement assaisonnée.
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Tout en ce monde est possible, sauf…une cuisine japonaise sans tofu.
Au Japon, jusqu’à la moitié du XIXe siècle, un interdit religieux bannissait la consommation de la viande. D’où le succès du tofu : grande source protéique facilement accessible, il fit rapidement partie de l’ordinaire du Japonais. Aujourd’hui encore, impossible de trouver le moindre patelin du Japon sans son marchand-producteur de tofu.
La matière première du tofu est la fève de soja. Les fèves sèches sont mises à gonfler dans l’eau quelques heures avant d’être réduites en purée. On ajoute de l’eau à cette purée, puis l’on filtre. Le filtrat, appelé justement lait de soja, est ensuite chauffé à petits bouillons. Il suffira alors d’ajouter à ce lait un coagulant, comme le nigari (chlorure de magnésium) ou le sekko (sulfate de calcium), pour le voir cailler. Le tofu est né. Quatre-vingt-dix pour cent du tofu consistant en eau, sa saveur dépend principalement de la qualité de l’eau utilisée, et bien sûr des fèves de soja.
Kyoto, entre autres qualités topographiques, abonde en sources souterraines qui l’ont rendue fameuse pour la qualité de ses eaux. Les maisons spécialisées dans la fabrication du tofu apparurent là vers le XVIIe siècle, et avant longtemps la classe laborieuse avait fait son ordinaire de cette denrée. Mais avant de se répandre ainsi dans le peuple, le tofu était principalement confectionné dans les temples bouddhistes. Le tofu de Kyoto, cité des temples et des eaux limpides, devint rapidement une spécialité de la ville. Le Honcho Shokkan (publié en 1697), encyclopédie sur la cuisine et les plantes officinales, chantait déjà la louange de sa saveur à nulle autre pareille : « Plus blanc que neige, moult délicat au goût, autant que soyeux au palais, est le tofu de Kyoto ».
En même temps qu’une excellente source de protéines végétales, la saveur légère du tofu en fait une denrée idéale pour une grande variété d’accommodations culinaires. Les plus fréquentes étant de découper un bloc de tofu en petits dés à jeter dans une soupe miso, ou dans un bouillon de… tout ce que l’on voudra. Mais pour déguster un bon tofu, les recettes les plus simples restent les meilleures. En été, par exemple, le bon choix sera un hiya yakko — tofu glacé avec une garniture bien relevée de râpure de gingembre, ou de jeune poireau ciselé, et un fluide nappage de sauce de soja. Mais dès les premiers frimas, l’on optera sagement pour le yudofu.
Pour préparer le yudofu, faire mitonner une algue kombu dans une grande casserole d’eau. Découper un tofu bien tendre en gros blocs avant de les plonger dans la casserole. C’est tout! Pour déguster, tremper le bloc de tofu dans une sauce ou un bouillon travaillé à la sauce de soja. Rien de plus simple à préparer qu’un yudofu, aussi apparaît-il souvent à la table familiale, outre que Kyoto compte de nombreux restaurants spécialisés dans ce plat.
Le quartier de Sagano, dans le nord-ouest de Kyoto, est réputé pour avoir une des meilleures eaux de la ville, aussi produit-il depuis des siècles des quantités phénoménales de tofu. Une maison, chez Morika, brasse le tofu depuis les années 1860. On le trouvera non loin de la salle Saga Shakado du Temple Seiryo-ji.
Si vous êtes à Kyoto, vous emporterez un souvenir inoubliable du tofu de chez Morika qui approvisionne, entre autres, le restaurant Seizansodo qui a fait du yudofu sa spécialité. C’est là que fut d’ailleurs préparé le yudofu apparaissant sur les photos ci-contre. Ce restaurant est sis dans l’enceinte du Myochi-in, une chapelle bouddhiste attenante au Temple Tenryu-ji. Se retrouver installé dans une salle aux frais tatamis ouvrant tout grand sur un jardin paradisiaque, à déguster un repas de tofu sous la caresse de la brise, est une expérience à ne manquer à aucun prix.
L’on a compris que le tofu est une nourriture pratiquement prête à la consommation et ne nécessitant donc que fort peu de préparation. Si vous faites un yudofu, veillez surtout à ne pas laisser mitonner le tofu trop longtemps. Vous risquez de vous ébouillanter la langue, et de gâcher le plus fin de sa saveur. Le tout est de saisir le moment où la chaleur du bouillon commence tout juste à gagner le cœur du morceau de tofu. NIPONIA
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En haut : Le magasin de tofu, chez Morika, a pendu son enseigne dans le quartier de Sagano (Kyoto) il y a cent cinquante ans déjà. Il approvisionne les plus fameux restaurants de Kyoto, mais sert également le client à la pièce. Son tofu est si célèbre que certains clients n’hésitent pas à venir de loin en voiture.
Ci-dessus : Le restaurant Seizansodo est sis dans l’enceinte du Temple Tenryu-ji.
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